Ce n'est nullement un simple effet trompeur des fêtes de fin d'année, propice à la détente et au relâche générale. La lame de fond est plus profonde et n'a rien de factice. C'est une sorte de revanche sur le sort qui s'était acharné sur le pays des années durant. Le beau temps ne succède-t-il pas toujours à la pluie ? La pulsion de vie comme un bourgeon a fini par renaître et l'Algérien clame désormais son droit au bonheur. Les rabat-joie qui, en guise de vœux, usaient, il y a quelques années, de menaces, se sont tus. Les jours qui ont suivi la victoire de l'équipe nationale ont fourni un tableau grandeur nature de cette irrépressible soif de vivre. Le linceul dont on a voulu envelopper et étouffer le pays se déchire et l'Algérie commence à respirer. L'Algérien ne se préoccupe plus seulement de vivre, de se mettre à l'abri. Il pense aussi à se ménager un temps pour décompresser, aller voir et découvrir d'autres horizons. Dans un pays fortement marqué par le populisme, d'aucuns ne manqueront pas de ressortir l'impossibilité pour le commun des citoyens de s'offrir de tels moments. Sous tous les cieux, y compris dans les pays occidentaux, des franges de la population sont privées de simples vacances. Le pays a réellement repris goût à la vie festive. On ne compte plus les manifestations qui permettent aux citoyens de renouer avec la joie. Des quatre coins du pays parviennent les échos des festivals, des rencontres qui font sortir nos villes et villages d'une longue hibernation. Aïssaouas, chants amazighs, andalou, théâtre... toutes les facettes de la culture algérienne riche par sa diversité sont célébrées. Timimoun prend place dans l'agenda et les cartes des voyageurs. Les artistes étrangers ne boudent plus Alger, une capitale dont les narines ont toujours humé les effluves d'ailleurs. Le Panaf a été un grand moment de liesse mais qui ne saurait cacher et faire de l'ombre aux initiatives locales. Cette dynamique est un signe éloquent de la résurrection du pays. Est-ce un hasard si ceux qui ont planifié sa mort s'en sont pris d'abord à son élite, à ceux qui rendaient la vie et l'existence moins fade ? Alloula, Matoub, Hasni, Djaout... une partie de l'âme nationale s'en allée et le froid s'est insinué dans les cœurs. Un pays sans rêve et sans esthétique devient moche et fait fuir. Longtemps, les Algériens ne cherchaient pas à s'en aller ailleurs. La vie culturelle était intense au pays. Certes, les problèmes économiques et sociaux se sont aggravés. Le chômage pousse à l'exil mais il y a aussi ce refus de mourir à petit feu pour les jeunes privés de détente et de loisirs. Peuple méditerranéen, son humour et sa vivacité n'ont rien à envier aux autres voisins de cette mer. Ils ont toujours fait montre d'une intense soif de vivre. Ils ont un vaste pays qu'il faut redécouvrir. Les semaines culturelles inter wilayas organisées ces derniers mois ont montré combien le fossé s'était creusé entre nos citoyens qui se connaissaient assez mal. Beaucoup d'analystes ont montré avec lucidité que le rayonnement de la culture, la variété de l'offre de loisirs était un bon moyen d'éloigner la jeunesse du gouffre. Le naturel a été chassé mais à l'orée de l'année 2010, il semble bel et bien revenir au galop.