Photo: Makine F. Le projet de loi sur la criminalisation du colonialisme français semble faire l'objet d'un large consensus au sein de la classe politique, de la famille révolutionnaire et même du mouvement associatif. Le débat initié hier par l'académie de la société civile au centre de presse d'El Moudjahid, en dit long sur l'intérêt que suscite cette démarche. Des historiens, des représentants de la société civile, des parlementaires de différents bords politiques ont tous dit « oui » à ce projet, devant être soumis à l'Assemblée populaire nationale au courant de la session de printemps, selon l'avis de M. Abdi Moussa, député FLN et représentant du groupe des 120 parlementaires initiateurs de ce texte. A l'occasion, M. Abdi est revenu sur les contours de ce projet dont la première version s'articulait autour de 20 articles. Après l'avoir soumis le 13 janvier dernier au bureau de la chambre basse, et qui l'a renvoyé aux initiateurs pour y apporter quelques modifications sur la forme, une commission spécialisée s'est chargée de réduire le nombre des articles à 13, sans supprimer aucun principe prôné par l'ancienne mouture. C'est du moins ce qu'a expliqué M. Abdi qui indique que le projet a été soumis une deuxième fois au bureau de l'Assemblée pour en donner son appréciation, en attendant d'avoir l'aval de l'exécutif et du Premier magistrat du pays. Notons que le Premier ministre, M. Ahmed Ouyahia avait laissé entendre que le gouvernement attend de voir le contenu du projet pour en décider ensuite. « Cette loi ne contredit aucunement les principes de la Constitution. Elle se base sur les instructions et les déclarations du chef de l'Etat ayant condamné à mainte fois la barbarie de la France coloniale », souligneM. Abdi en tenant à préciser que ledit projet ne doit pas concerner un seul courant politique. Il doit être un projet national. M. Chenni Ahmed, secrétaire général de l'académie de la société civile, estime, pour sa part, que les nouvelles générations doivent savoir qu'elles ont des « droits hérités » qui ne tomberont jamais en désuétude. Les relations algéro-françaises doivent être fondées, selon lui, sur un respect mutuel, qui ne fait pas fi des réalités historiques, entachées par des crimes indélébiles. Ce projet de loi n'est pas seulement une revendication du parlement mais celle du peuple entier. Le but étant d'éclairer l'opinion publique et de faire pression sur l'opinion internationale sur ce projet, en vue d'élargir la base d'adhésion à cette démarche. D'ailleurs, un livre retraçant les crimes coloniaux de la France sera édité avant la fin de l'année, fait savoir M. Chenni, estimant que la promulgation d'une loi ne suffit pas. Il faut qu'elle soit accompagnée d'une volonté politique ferme et déterminée à arracher des reconnaissances, des excuses et des indemnisations de la part de la France officielle. M. Boudjemaâ Souileh, juriste, estime qu'il faudrait bien réfléchir avant d'agir, au risque d'être confronté à de fortes résistances. Faire passer un tel projet n'est pas une mince affaire. Le chemin sera semé d'embûches, déclare-t-il, en suggérant de réduire le nombre des articles, ou carrément introduire un article dans le code pénal, criminalisant le colonialisme. Il proposera également de réclamer une reconnaissance morale, et de laisser tomber la reconnaissance matérielle. Le chercheur et écrivain Amar Belkhoudja estime pour sa part que les chercheurs doivent d'abord dresser les portraits des criminels de guerre car la mémoire de l'humanité ne doit pas les oublier. Selon certains invités, il faudrait d'abord faire un état des lieux et associer le peuple au débat, avant d'engager ce projet. Ce qui a fait réagir d'ailleurs la moudjahida Louisette Ighil Ahriz qui ne partage aucunement cet avis, puisque dira-t-elle : « le peuple est au courant de tout ». Et d'enchaîner « cette loi intervient très en retard. Pourquoi avoir attendu cinq ans après le 23 février 2005 date de la promulgation par le parlement français d'une loi qui fait l'apologie du colonialisme ?». Le docteur Kourdourli, président de l'association de l'urgence médicale et des catastrophes, estime, quant à lui, qu'il faut prendre en compte également la « douleur morale » des victimes du colonialisme, puisque celle-ci ne cède pas jusque à ce que la personne décède.