Photo : Riad Par Amar Rafa Nombre de représentants de la société civile, juristes, parlementaires et historiens ont exprimé leur soutien indéfectible à la proposition de loi portant criminalisation du colonialisme, en soulignant la nécessité d'approfondir le débat et de l'élargir à toutes les couches de la société.Lors d'une rencontre-débat tenue au siège d'El Moudjahid, hier sur l'initiative de l'Académie de la société civile algérienne, le député FLN Moussa Abdi, auteur de la proposition de loi criminalisant le colonialisme, a indiqué que ce projet, déposé le 13 janvier auprès du bureau de la chambre basse du Parlement, sera soumis au gouvernement et sera adopté probablement lors de la session de printemps. Cette proposition de loi a été signée par 125 députés de différents partis, notamment ceux de l'Alliance présidentielle (FLN-RND-MSP), et des partis islamistes MSP et El Islah, a ajouté le député du FLN. A l'occasion d'une précédente tentative de le déposer auprès du bureau de l'APN, ce projet de texte a fait l'objet d'un rejet dans la forme. Remise sur le tapis, la proposition de loi a suscité de larges débats, durant lesquels les intervenants ont émis une multitude de suggestions, afin que cette démarche puisse porter les revendications de tout un peuple, pour la reconnaissance par la France officielle de ses crimes coloniaux, et l'indemnisation morale et matérielle des victimes algériennes des crimes commis durant les 132 années de colonisation. Le député FLN, en rappelant le contexte de l'ébauche de son idée, le 23 février 2005, au lendemain de la promulgation de la loi glorifiant le colonialisme par le Parlement français, soulignera qu'elle se veut une réponse appropriée à cette loi. Laquelle loi ne suffit pas d'elle-même, tant qu'elle ne s'accompagne pas d'une volonté politique et d'initiatives de la société civile, dira-t-il. D'où le plan d'action esquissé conjointement avec plusieurs associations nationales, par le biais d'une commission qui prévoit de mener des actions d'information à travers des forums et colloques, nationaux ou internationaux, dans le but de mettre en exergue les crimes coloniaux, d'expliquer le contenu de ce projet de texte, et de susciter l'adhésion d'un certain nombre de pays ayant fait l'objet d'exactions de la part du colonialisme, notamment en Afrique et dans les pays du Maghreb, afin de mettre la pression sur la France officielle. Si, au demeurant, un avocat a exprimé ses appréhensions au sujet de deux écueils majeurs qui peuvent se dresser devant sa promulgation, notamment les contraintes bureaucratiques liées à la conjoncture que devrait prendre en considération le gouvernement, et les accords d'Evian, qui prévoient la prescription des crimes commis durant la colonisation et l'amnistie pour leurs auteurs, le conférencier a mis l'accent sur la conjoncture internationale favorable à cette démarche, en évoquant non seulement des cas d'indemnisation de la France elle-même par l'Allemagne, et la Libye par l'Italie, mais aussi les conventions internationales qui versent dans cette démarche et qui récusent le principe de prescription des crimes coloniaux. L'ancien sénateur Boudjema Souilah, qui a rappelé dans ce sens l'expérience passée du dépôt de plainte devant la justice française contreMaurice Papon, a exprimé toute la difficulté de poursuivre les auteurs de crimes commis durant la colonisation en raison de la prescription en question. Au lieu de la proposition de loi, il a proposé d'introduire dans le code pénal un seul article qui criminalise tous les crimes du colonialisme commis en Algérie. Un avocat, pour sa part, a estimé qu'une loi ne peut passer au Parlement sans bénéficier d'un débat auquel doivent participer tous les acteurs de la société. Il sera relayé par un enseignant d'histoire pour lequel les crimes coloniaux ont commencé en 1832, lorsque Rovigo a envoyé sa soldatesque décimer une tribu à Maison Carrée (actuellement El Harrach, ndlr), et qu'il faut une bataille de l'écriture pour confronter les criminels à leurs faits. S'ensuivra l'allocution du secrétaire général d'El Islah, M. Benbessalam, qui a appelé la société civile à «mettre aux mains du pouvoir les moyens pour agir» sur ce plan, et à «élargir le front des pays qui œuvrent pour la criminalisation du colonialisme». Une académie scientifique spécialisée et souveraine a également été proposée.