Vers 22 heures, quand Ouiza sortit dans la froidure pour regagner son foyer après avoir veillé chez des amis, elle revint sur ses pas et dit doucement avec un regard illuminé : « Les filles, il neige … » Le reste des femmes, ces filles plus ou moins jeunes, sortirent dans la cour et levèrent les yeux au ciel de couleur plombée. Les flocons légers, aériens virevoltaient dans les airs pour atterrir, légers et poudreux sur le sol. De retour dans la grande salle, chacune autour de «la résistance» (appareil ambulatoire de chauffage) d'aller de son histoire sur le fin manteau blanc qui enveloppait la montagne. Toutes, femmes et filles au foyer, jubilaient avec l'arrivée de dame Neige. Les anciennes ont chanté en sourdine de vieilles comptines apprises à l'école et les plus jeunes parlaient dans un murmure. Malika la benjamine expliqua en chuchotant, aux novices, que les premières neiges tombent dans le secret et le mystère de la nuit : «Les flocons, à la différence des grêlons ces gros grains de couscous roulés par les Anges en été qui se déversent bruyamment, s'enveloppent de discrétion. La neige est pure et timide et a besoin de retenue. Elle n'aime pas l'accueil bruyant. C'est cela, il lui faut la profondeur du silence pour étendre son linge blanc… ». Tout cela était dit dans un langage simple et des mots poétiques. Une poésie tout aussi naïve, celles de ces « Eves» vivant loin de la ville et des turbulences des cités. Celles qui vivent à l'heure.