Résumé de la 13e partie n Scharkân est découvert par la belle dont il est sous le charme. Elle a fini par connaître son identité. Et Grain-de-Corail répondit : «J'écoute et j'obéis !» Elle s'absenta un instant, et revint accompagnée de jeunes filles qui portaient un luth de Damas, une harpe de Perse, une cithare de Tartarie et une guitare d'Egypte. Et la jeune femme prit le luth, en accorda savamment le jeu et, accompagnée des trois jeunes filles qui s'étaient assises sur les tapis, elle pinça un instant les cordes vibrantes et, d'une voix pleine de délices et plus douce que la brise et plus agréable et plus pure que l'eau de roche, elle chanta : «Les victimes de tes yeux, ô future bien-aimée, sais-tu leur nombre ? Les flèches détachées de tes regards, et qui répandent le sang vif des c?urs, sais-tu leur nombre ? «Mais ô bienheureux les c?urs qui souffrent de tes yeux ! Et mille fois heureux tes esclaves d'amour !» Et le chant fini, elle se tut. Alors, d'une voix plus lente, l'une des jeunes filles qui jouaient des instruments continua en langue grecque par une chanson incomprise de Scharkân. Et sa jeune maîtresse répondait, de temps en temps, dans la même tonalité. Et qu'il était doux, ce chant alterné et plaintif qui semblait sortir des flancs même des mandores ! Et la jeune femme dit à Scharkân : «O musulman, as-tu compris notre chanson ?» Il répondit : «En vérité, je n'ai point compris ; mais le son seul et l'harmonie m'en ont ému extrêmement, et l'humidité des dents souriantes, et la légèreté des doigts sur les instruments m'ont ravi à l'infini !» Elle sourit et dit : «Mais alors, ô Scharkân, si je te disais un chant arabe, que ferais-tu ?» Il répondit : «Je perdrais certainement ce qui me reste de raison !» Alors elle changea le ton et la clef de son luth, le pinça un instant, et chanta ces paroles du poète : «Le goût de la séparation est plein d'amertume. Aussi est-il encore moyen de patienter ?... Trois choses à mon choix on a offertes : l'éloignement, la séparation et l'abandon, trois choses pleines d'effroi. «Comment choisir, moi qui suis tout liquéfié de l'amour d'un être beau qui m'a conquis et me soumet maintenant à de si dures épreuves ?» Lorsque Scharkân eut entendu cette chanson, et comme aussi il avait bu considérablement, il fut tout à fait grisé et perdit tout sentiment. Et lorsqu'il fut revenu à lui, la jeune femme n'était plus là. Et Scharkân s'informa auprès des esclaves qui lui répondirent : «Elle a regagné son appartement pour dormir, car voici la nuit.» Et Scharkân, quoique fort contrarié, dit : «Qu'Allah l'ait sous sa protection !» Mais le lendemain, la jeune esclave préférée, Grain-de-Corail, vint le prendre, dès son réveil, pour le conduire à l'appartement même de sa maîtresse. Et comme il franchissait le seuil, Scharkân fut reçu au son des instruments et aux chants des chanteuses qui, de la sorte, lui souhaitaient la bienvenue. Et il entra par une porte massive d'ivoire incrusté de perles et de pierreries ; et il vit une grande salle toute tendue de soie et de tapis du Khorassân ; et elle était éclairée par de hautes fenêtres qui avaient vue sur des jardins touffus et des cours d'eau ; et contre les murs, il y avait une rangée de statues habillées comme des vivants et qui mouvaient bras et jambes d'une façon étonnante et dont l'intérieur était machiné avec un art tel qu'elles chantaient et parlaient comme de vrais fils d'Adam. A suivre