Photo: Mahdi I. El Eulma, ses villas, ses imposantes boutiques, et ses rues grouillent de monde à longueur d'année. Pour tout commerçant de la région Est et même du centre du pays, faire une halte dans cette ville s'impose chaque semaine pour faire le plein des provisions. El Eulma est surtout connue pour les portables de tout genre et de toute marque, pour l'électroménager de base et de luxe, pour le mobilier et les articles de décoration intérieure, ou encore pour les matériaux de construction. Une vraie caverne d'Ali baba où tout se négocie à des prix imbattables. La raison de ce commerce florissant qui fait de quelques familles des milliardaires, est toute simple : les Eulmis sont les champions de l'importation à l'Est et ce sont eux mêmes qui assurent la vente du gros et du détail. Mais, cette formule n'explique pas, à elle seule, une telle réussite. A quelques jours de la fête du Mawlid, le froid glacial n'a pas empêché de nombreuses personnes à faire le déplacement à El Eulma pour s'approvisionner en produits pyrotechniques. La ville alimente tous les marchés de la région Est, même si Tébessa est connu aussi pour ce trafic mais avec moins d'ampleur. Certes, nous dit-on, il faut attendre le samedi pour avoir plein les yeux mais déjà dans les rues on a l'impression que c'est une vraie foire commerciale dédiée aux pétards qui se tient sur des centaines de mètres. L'espace ne suffit plus, sur les trottoirs, sur la route, dans des boutiques, devant des commerces de portables, ou même sur les capots des voitures, le moindre mètre carré est squatté et ce, depuis quelques jours. Devant un tel décor, un touriste qui ne connaît pas la région et qui ne sait rien du Mawlid, pensera qu'une guerre se prépare quelque part. Une importante saisie a été opérée, il y a quelques jours, sans pour autant décourager les vendeurs et les grossistes. Aussi il est inutile de préciser que dans la ville, la presse n'est pas la bienvenue, et c'est pourquoi nous nous sommes présentés en tant que potentiel acheteur. Juste à côté d'un café, le mur qui fait face est entièrement peint aux couleurs de l'équipe nationale de football, un homme la trentaine tient les lieux, il est entouré par des dizaines de personnes, deux hommes plus jeunes, l'aident car apparemment il a beaucoup de clients. LA GRANDE FOIRE Devant une vingtaine de personnes, on attend sagement notre tour et après examen rapide de la marchandise qui s'étend sur cinq ou six mètres, le proprio nous interpelle : «kho je peux t'aider, j'ai des pétards uniques pas la peine de chercher ailleurs». Nous faisons semblant d'observer minutieusement une boite de douze pétards (de gros calibre), un produit nouveau qu'on appelle «La boîte chocolat». Celle-ci semble attirer tout le monde, surtout que le prix parait intéressant : 105 DA. «Vous vendez la pièce à 20 DA et vous aurez 95 DA de bénéfices sur une seule boite, qui dit mieux !» lance le vendeur. Après quelques instants, un jeune originaire de Batna passe une commande de 30 boites et engage une négociation sur le prix. D'autres produits similaires sont proposés, des pétards qui ont la même forme et le même prix que la boite chocolat, tous ont la marque de fabrique «Made in Chine» mais leurs noms font peur : la Bomba, Airbombe, Torpil... Il est donc sûr que le consommateur algérien est attiré non seulement par la puissance et l'apparence du produit mais aussi par le nom qu'on lui donne. Les Chinois devenus maîtres dans ce commerce fabriquent aussi l'image. La preuve à deux pas de là : un autre vendeur propose lui aussi une marchandise inédite, on retrouve alors la curiosité du moment, le «Volcan» et la «Chaïtana» deux sortes de zerbout cédés pour 500 DA la boite qui contient 36 pièces. Mais ce marchand présente aussi un article très rare et très apprécié des algériens, il s'agit des pétards «Zidane» avec la photo du coup de boule de Zizou en coupe du monde 2006. Cependant, on remarque que les acheteurs ne se précipitent pas. Certes il y a des produits, mais tout est hors de prix «A Constantine, j'ai les mêmes articles et je les vends au même prix, pourtant je ne suis qu'un petit vendeur» explique un Constantinois. Après hésitation, le grossiste écoutant les commentaires des clients qui se plaignent de la cherté des prix décide de s'expliquer : «C'est normal les amis, à cause du mauvais temps la route était difficile entre Bejaia et Sétif, on n'a pas pu ramener toute la marchandise mais je vous prévient, il se pourrait que rien n'arrivera d'ici la semaine prochaine, car les douaniers surveillent de très près les sorties du port». Cette version quoique invérifiable, donne quand même des idées aux acheteurs, l'un d'eux un Sétifien qui a l'air de connaître les dessous du métier nous conseillera discrètement de n'acheter que le strict minimum car, dit-il, c'est vrai 90% des produits sont de l'année dernière. Ils ont des hangars ou des dépôts sous leurs toits, mais il est impossible de les coincer. Ils sont malins, ils donnent leur marchandise à des gamins pour la vendre». Pour l'instant, la flambée des prix concerne tous les produits même les bougies et les fusées, mais les rues d'El Eulma ne désemplissent pas de monde, on s'attend même à voir une foule importante les derniers jours avant le Mawlid.