Photo: Fouad S. L'image des émigrés de retour au bled va peut-être changer. L'époque où ces derniers de retour en Algérie se distinguaient par leurs véhicules chargés jusqu'au toit s'estompe peu à peu. Désormais, c'est à leur retour en France que les véhicules sont surchargés. Nos compatriotes n'hésitent plus à faire leurs emplettes en Algérie avant de repartir là-bas «chez-eux». Les raisons ? Les mêmes produits proposés ici à la vente s'avèrent nettement moins chers. Comme à l'accoutumée, le quartier Meissonnier grouille de monde en cette journée caniculaire du mois d'août. Le nouveau bazar et les ruelles étroites squattées par des vendeurs à la sauvette attirent de plus en plus les ménagères, particulièrement les vacancières d'outre-mer. Apparemment, il n'y a pas que les bijoux traditionnels et les cadeaux souvenirs qui les intéressent. Petits meubles, ustensiles de cuisines, literie… sont également appréciés. Dans l'une des ruelles adjacentes à la rue Didouche Mourad, un couple d'émigrés accompagnés de leurs trois enfants calculait le coût des fournitures scolaires. Pour économiser sur leur budget, ils ont convenu d'acheter ici une bonne quantité d'affaires scolaires, particulièrement les cahiers et les crayons de couleurs. «Les prix sont raisonnables par rapport à ceux pratiqués en France», dira le père. A la rue Larbi Ben M'hidi à Alger centre, c'est le même engouement mais cette fois-ci pour les vêtements. Chez «Zone Choose», l'heure est aux soldes. Des espadrilles griffées «Lacoste» sont cédées à 3000 DA l'unité au lieu de 5000 DA. Ici, les émigrés ont envahi le lieu. C'est le cas de Yasmine. Elle a acheté trois paires de baskets. «Elles coûtent énormément moins cher qu'en France», remarque-t-elle. Quant à la qualité, Yasmine ne cherche pas trop à en savoir. «En France, une espadrille de marque peut être vendue jusqu'à 250 euros», note-t-elle. Rassim, le gérant de cet espace commercial, est satisfait. «Il aurait fallu qu'on lance les soldes bien avant pour que les acheteurs, particulièrement les émigrés, se rabattent sur nos marchandises», dit-il. Pour lui, l'été est la meilleure période pour écouler la marchandise. «Durant cette période, on ne chôme pas, au contraire, on rattrape tous ce qu'on a perdu durant les autres saisons», note-t-il. Et même avec les soldes il s'en sort bien. «Nous n'enregistrons aucune perte même si les prix sont baissés dans la mesure où la majorité des émigrés ne ressortent pas sans avoir pris trois chaussures au minimum». RIHET LEBLED En plus des tenues vestimentaires, les émigrés optent pour l'électroménager. Rachid est le propriétaire d'un magasin spécialisé en électroménager au niveau de Bab El-Oued. Pour lui, l'été aussi c'est synonyme de bonnes affaires avec nos compatriotes établis à l'étranger. «Un jour, j'ai vendu sept robots mixeurs en une demi-journée pour la bagatelle de 7000 DA l'unité», se souvient-il. «Le prix de l'électroménager est très élevé en France alors les gens profitent pour s'équiper ici». Mais cette frénésie consumériste touche également tout ce qui a rapport à l'intellect. Rencontrée au niveau de la libraire Le Tiers Monde, une jeune émigrée en vacances à Alger s'est arrêtée pour acheter quelques bouquins. «Avec la dégradation du pouvoir d'achat en France, les gens ne peuvent pas se permettre l'accessoire. Les prix affichés au niveau de cette librairie me permettent d'acheter trois à quatre bons livres», observe-t-elle. Le gérant des lieux n'en est que plus content. Il a réussi à écouler un important stock de bouquins ignorés depuis bien longtemps sur les rayons de sa librairie. «C'est grâce aux étrangers et émigrés que je réussis à écouler ma marchandise et renouveler le stock par de nouveaux livres. Contrairement à nos citoyens qui ne sont pas très portés sur la littérature. Je rattrape les pertes de l'année dès l'ouverture de la saison estivale», affirme-t-il. A contrario, certains vont même jusqu'à acheter de la viande qu'ils ramènent en France. «Ce n'est pas qu'une question de coût mais de qualité», soutient Yamou, un émigré mordu des produits alimentaires «Made In Bladi». D'ailleurs, il a chargé son épouse d'acheter tous les ingrédients ayant trait au mois de Ramadhan et notamment le «frik vert» (blé concassé) des Hauts plateaux. Bien que certains ressortissants algériens fassent leurs emplettes dans leur pays d'origine pour des raisons économiques, d'autres justifient ces achats par la nostalgie, «rihet lebled», comme ils le disent.