Que devient Mohamed Miloud Larouci ? A bientôt 73 ans, je n'ai pas pour autant quitté le milieu de la boxe. Je continue à monter sur le ring non pas pour donner des coups, mais pour diriger des combats en tant qu'arbitre. Une activité qui m'a permis d'atteindre depuis de longues années le galon international version WBC. Etes-vous encore en possession de tous vos moyens physiques et psychologiques pour mener à bien votre mission ? Je suis encore bien conservé. J'ai toujours fait attention à mon hygiène de vie, c'est ce qui me permet d'être bien dans mon corps et dans ma tête. Faut dire que je garde encore à mon âge le même plaisir de monter sur un ring. Pouvez-vous nous rappeler votre itinéraire de boxeur ? C'est en 1950 à un peu moins de 16 ans que j'ai enfilé pour la première fois les gants de boxe. Natif du quartier de la basse Casbah, plus exactement à la rue de la Marine, j'ai très tôt affiché ma passion et mon talent pour la bagarre. Sous la férule du regretté manager Ketchi, je suis très vite engagé face à des adversaires nettement plus âgés et plus anciens que je bats avec beaucoup d'impectuosité. A 18 ans, je passe de passe de l'autre côté de la Méditerranée, où je veux donner plus de consistance à ma carrière de boxeur. Il se trouve que je change de trajectoire, en optant sans réellement le chercher pour une autre discipline sportive, tout aussi populaire. De quelle sport s'agit-il ? Le football que j'entame sous les couleurs du célèbre club français, l'Olympique Lyonnais. Très doué là aussi, je suis incorporé en tant que meneur de jeu (n°10) de l'équipe junior. Il m'arrivait de jouer deux matches par jour. L'un avec les juniors, l'autre avec les seniors. Une belle réussite qui ne vous éloigne pourtant pas tout à fait de la boxe ... C'est vrai puisque tout en étant footballeur, je continue à m'entraîner avec les boxeurs du même club. Malgré l'intérêt que vous portent les responsables du club et dans les deux disciples, vous retournez au bercail. Pourquoi cette décision ? Je ne pouvais résister à l'appel de mes parents qui insistaient et tenaient à me voir retourner au bled. Sitôt débarqué à Alger, vous montez sur le ring malgré le manque de combat... A 20 ans à peine, je n'éprouvais aucun complexe. Après avoir été battu de justesse en finale du célèbre challenge Bastos, par le redoutable Azzouz Bouazza, nettement plus âgé et plus expérimenté, je réussis à enchaîner une impressionnante série de combats, tous victorieux, toujours dans la catégorie des mouches. En 1955 et à seulement 21 ans, je décide de rallier les rangs du FLN et devient un membre particulièrement actif. Comment s'est faite votre intégration ? C'est sous les ordres de Yacef Saâdi que je me suis engagé avec le groupe de choc d'Alger Casbah Bab El Oued. En janvier 1957, je suis interné aux côtés de quelques figures marquantes de la révolution, comme le Dr Mohamed Maouche, Abdelkader Zaïbek, Kermia ... Blessé à la main et au pied dans l'enceinte même du camp par les militaires, je bénéficie d'une période de soins avant d'être libéré en 1959. Malgré les affres de l'emprisonnement et des blessures, vous décidez de reprendre le chemin des rings... C'est ça. Sachez tout de même qu'en reprenant les entraînements, je continue à défendre la cause nationale. C'est une manière efficace de détourner l'attention de l'ennemi colonial. De 1960 à 1962, je livrais beaucoup de combats tout aussi difficiles les uns que les autres. Avez-vous toujours en tête votre palmarès ? En 1960, je remporte le grand challenge Bob Omar contre le regretté Belkacem Boudjema, le cousin du chanteur chaâbi El Ankis, mort très jeune au champ d'honneur. Ce jour et devant une assistance particulièrement nombreuse et passionnée, je réalise une prestation de premier ordre qui m'a valu le titre de meilleur boxeur de la soirée. En 1959 et 1960, je suis champion d'Alger de poids mouche. Je suis également finaliste en 1961 et 1962. Je mets un terme officiellement à ma carrière au lendemain de l'indépendance. Au total, j'ai livré 114 combats marqués par 100 victoires, 9 défaites et 5 nuls. Pourquoi vous a-t-on collé le sobriquet de «l'ouragan» ? On m'appelait ainsi en raison de rapidité d'exécution de mes coups. Quelles étaient vos principales qualités ? J'étais réputé par ma belle technique, mon jeu de jambes et mes fameuses esquives. Quels étaient vos modèles de boxeurs ? Joe Louis, Marcel Cerdan, Omar Kouidri, Bob Omar, Allouche, Bellatreche. C'étaient tous de grands champions et de fins stylistes. Que vous a apporté la boxe ? Absolument rien sur le plan matériel. Elle ma surtout permis d'avoir une réelle discipline intérieur, de m'épanouir et m'aguerrir aux coups durs. En devenant boxeur, je suis devenu quelqu'un d'estimé et de respecté y compris durant la période coloniale, où j'étais reconnu et salué dans la rue. Lorsque durant la colonisation, je battais un boxeur français, je préservais sain et sauf mon honneur mais aussi celui de tous les indigènes. J'étais porté en triomphe jusqu'aux vestiaires. Que pensez-vous du niveau de la boxe algérienne de ces dernières années ? Il faut reconnaître que le talent à l'état brut existe aux quatre coins du pays. La boxe est une discipline sportive qui sied à merveille au tempérament de l'Algérien. Aussi, pour permettre à la boxe algérienne d'atteindre le niveau mondial, il faut lui accorder tous les moyens nécessiras. Il faudrait sécuriser le boxeur, en prenant en charge son après-carrière. A bientôt 76 ans, vous demeurez un réel mordu de la boxe et conservez votre punch de jeune premier. Vous imaginez-vous totalement éloigné des rings ? Lorsque je serais un jour contraint de le faire, je le ferais à coup sûr avec beaucoup de tristesse.