L'après-Bongo qui marque une transition douloureuse n'est pas chose aisée tant pour le clan dynastique qui affiche nettement ses ambitions que pour une opposition en veillée d'armes dans une compétition acharnée. Malgré les hommages rendus au président défunt, les craintes d'un dérapage entretiennent un climat lourd d'hostilités. « Il y a une psychose et se répand dans la population, une vraie peur que tout le processus tourne au désastre et à la violence », commente un observateur local. Ce pessimisme prévaut dans la classe politique. Pour le député de l'opposition, Jean Valentin Leyama, «le Gabon va entrer dans une période très délicate et dangereuse». Car, selon lui, «le système Bongo consistait à réunir tout le monde autour de lui, par des pressions et des cadeaux, jusqu'aux opposants. Il était le pilier. Lui parti, tout va exploser», dit-il. Prévu le 30 août, le scrutin de la peur pose la question névralgique du maintien du régime dynastique ou du changement radical qui profite à certaines figures de proue de l'opposition. Si le candidat de la majorité au pouvoir, Ali Bongo, disposant de moyens financiers incomparables et de puissants leviers dans l'administration et les médias, se présente en favori en puissance face aux 23 rivaux dans la course à la magistrature suprême, les ambitions électorales des dissidents du système Bongo et de l'opposition ne lâchent pas prise pour valider le scrutin du changement nécessairement conditionné par les critères de régularité, de transparence et de crédibilité. Des doutes sont publiquement exprimés sur le recours à la fraude électorale où, a contrario, sur le respect des résultats des urnes. Ils sont justifiés par le choix d'un «passage en force» du candidat favori démissionnaire de son poste de ministre de la Défense, malgré les assurances de la présidente par intérim, Rose Francine Rogombi. Il y a 4 jours, lors d'un discours prononcé à l'occasion de la fête nationale, elle a clairement signifié que « les fauteurs de troubles, où qu'ils soient et quels qu'ils soient, seront sévèrement punis, conformément à la loi ». L'enjeu du scrutin de l'après-Bongo ne manque pas de susciter les interrogations sur l'avenir de la Françafrique incarnée par l'ère Bongo. Dans cette complétion ouverte, la France de Sarkozy se défend officiellement d'avoir un candidat. Cependant, nombre d'observateurs de la scène gabonaise ont relevé le soutien actif de Paris en faveur de Ali Bongo. C'est aussi cette Françafrique qui nourrit les pires appréhensions de ses grands rivaux, à l'image des anciens ministres-candidats, Casimir Oye Mba et Jean Eyeghe Ndong, ou encore des prétendants Pierre Mamboudou Zacharie Myboto et Paul Mba Abessole. A une semaine du scrutin, une atmosphère lourde de suspicions sévit. L'opposition est donc montée au créneau pour s'assurer un temps électoral plus judicieux. Elle vient de demander le report de 3 mois des élections entachée d'«irrégularités» des listes électorales portant sur les 120 000 électeurs fictifs recensés par les états-majors des partis. Mais, par-delà les aspects techniques de la consultation, le lourd héritage de Bongo n'est pas sans soulever les chantiers de la reconstruction forte de l'immensité des attentes sociales en termes de démocratisation et de bien-être collectif. Dans un pays qui aspire à la stabilité et à la paix civile, la quête légitime de la justice sociale et de la répartition plus juste des richesses nationales se font nettement sentir pour un accès au logement, à la santé, à l'électricité et aux infrastructures de base. Après 40 ans de règne absolu, le réveil s'annonce dur et brutal. La bataille de la succession est moins un avenir à gérer qu'un héritage aux pesanteurs asphyxiantes à dépasser en toutes urgences