Née en 1950, Maïssa Bey est l'auteure d'une œuvre importante à l'instar de «Surtout ne te retourne pas» en 2005, «Bleu Blanc Vert» en 2006, «Pierre Sang Papier ou Cendre» en 2008. Elle a obtenu le Prix des Libraires Algériens, en 2005, pour l'ensemble de son œuvre. Elle est cofondatrice et présidente d'une association de femmes algériennes, «Parole et écriture», dans laquelle elle anime des ateliers d'écriture et de lecture. Romancière et nouvelliste, elle a longtemps cherché une écriture qu'elle aurait envie de lire elle-même. La lecture de votre roman est d'une grande intensité émotive. Cette atmosphère profonde de sentiments est-elle une marque spécifique du style de Maïssa Bey ? C'est aux lecteurs de me faire fart de leur appréciation. En tant qu'écrivaine, je ne pense pas avoir une optique déterminée. Généralement, j'écris parce que le sujet traité m'interpelle. Effectivement, ce thème est porteur d'une grande charge émotionnelle. Les personnages de votre roman font partie des classes de la société algérienne. Ces personnages existent-ils vraiment dans la réalité où est-ce une pure fiction pour les besoins de votre œuvre littéraire ? Il est évident que ces personnages ont bel bien existé dans notre société particulièrement à cette période meurtrie de la décennie noire où des milliers de personnes ont disparu, des mamans ont perdu leur progéniture. Vous avez sûrement un message à transmettre par la voie de ce roman. Est-ce que les premiers mots de ce roman font-ils déjà les prémices de ce message ? Ces premiers mots étant « à celles que je ne pourrai toutes nommer ici ». Cet opus s'adresse à toutes les femmes orphelines de leurs enfants que j'ai vues, côtoyées, écoutées. Et auxquelles on a demandé aujourd'hui d'oublier et de taire leur douleur pour le bien public. A vrai dire, il n'y a pas de message précis. Un de mes lecteurs m'a un jour appris que cet ouvrage nécessaire manquait à notre histoire. Il fallait, en quelque sorte individualiser les centaines de ces femmes. Je refuse que leurs souvenirs soient ensevelis dans l'oubli. La tragédie que vient de vivre l'Algérie ne vous a pas laissé indifférente. Dans quelle mesure cette période noire de notre histoire récente a-t-elle influencé votre inspiration ? Absolument. La tragédie noire n'a pas influencé mon inspiration mais j'agis en tant que porte parole de ces milliers de femmes qui sont sans parole. La photo de la couverture de votre roman est très impressionnante. Elle est signée par le photographe Sid Ahmed Semiane. Quels ont été les critères qui ont guidé votre choix ? Il faut savoir que ce n'est pas mon choix, c'est plutôt celui de la maison d'édition «Barzakh». Ceci dit, je la trouve admirablement expressive et belle. La couverture et aussi le titre de votre roman impressionnent. Expliquez-nous ce titre ? J'admets que la couverture de ce livre est particulièrement belle. Au sujet du choix du titre, j'ai eu beaucoup de mal à mettre un titre qui sied à ma pensée. En fin de compte, un poème de Victor Hugo m'a inspiré. Ce poème parle de la perte de la fille de Victor Hugo. C'était pour lui une douleur insurmontable. Il a surmonté cette dure épreuve en se refugiant dans l'antre de l'écriture. Le lectorat algérien et universel se réjouit de la parution toute fraiche de cette œuvre littéraire. Comment la situez-vous dans votre parcours d'écrivaine et est-il encore une étape pour l'écriture d'autres œuvres littéraires ? Je prépare actuellement un autre livre qui traitera probablement d'un thème intimiste féminin et léger.