Harmonie n «Je te peins, tu m'étreins, je t'étreins, tu me peins», tel est l'intitulé de l'exposition duo d'Amor Idriss Lamine Dokman et de Djahida Houadef qui se tient au théâtre de verdure. L'exposition en soi est une originalité. Car elle ne fait pas voir, d'un côté, les peintures de l'un et, d'un autre, celles de l'autre. Ce n'est pas une exposition duo au sens classique du terme où deux artistes exposent, côte à côte, chacun sa création. Bien au contraire, elle est plus que cela. Le duo se situe autrement : les peintures accrochées sur les cimaises sont doublement construites et combinées. On y perçoit la touche de Dokman et puis celle de Houadef. Deux expressions, deux imaginaires et deux sensibilités viennent s'organiser et se dire dans un même espace pictural. Quand on observe de près chacune des peintures, on s'aperçoit d'un commencement : naissance d'une œuvre. Puis l'avènement de la création se poursuit au-delà des frontières qui lui sont circonscrites. Il y a prolongement, débordement non pas dense et décousu, mais cette continuité se situe dans une lignée réfléchie. Dans un premier temps, Dokman occupe le centre de l'espace – il y imprime aussi bien ses impressions que son émotivité – puis, dans un deuxième temps, Houadef prend le relais et continue la création – elle investit les bordures et les peint. Dans d'autres peintures, c'est l'inverse qui se produit. Cette expression duo s'avère, de par la manière dont elle est menée, un jeu de construction qui se déroule dans un seul et même espace – c'est aussi une manière astucieuse de rapprocher deux artistes (pourquoi pas plusieurs ?!) et de leur faire partager une même spatialité. Cet espace, à première vue – et matériellement – unique, se révèle doublement architecturé : il y a deux empreintes – la première est de Dokman et la seconde est de Houadef – qui renvoient à deux imaginaires et, en conséquence, à deux vies intérieures. Ces deux mondes de nature onirique apparemment distincts se rejoignent toutefois dans un endroit de conjonction et toujours à la même frontière, et cette rencontre annonce le lien existant entre les deux. Ce duo est l'expression d'un lien, d'un prolongement et d'une complémentarité. Car, en effet, le premier complète le second pour donner, tous deux réunis et conjugués, une vue entière – non pas fragmentée ou séparée – et unie de l'œuvre ainsi qu'un sens commun au contenu qui la compose. On peut avoir alors deux lectures différentes, deux interprétations – sémantiques ou thématiques – qui nous paraissent d'emblée divergentes, mais au fond, et en second plan d'observation, nous nous apercevons aussitôt qu'elles se suivent et se donnent même la réplique – à croire que nous sommes au théâtre. Il y a effectivement une théâtralité qui se dessine, de part et d'autre, dans l'œuvre. Un beau jeu de composition – la manière dont la surface du tableau est imaginée – et une représentation juste et adroite des couleurs. Tout est disposé de façon à créer une belle poétique. L'essence même de l'œuvre. Cette exposition est pensée à la base d'un duo. Qui dit duo, dit systématiquement dialogue. Les deux artistes parlent dans un même espace. Ils dialoguent. Ainsi, l'espace pictural se présente comme un parloir. C'est un moment de conversation – et aussi de convivialité. Les deux artistes, Dokman et Houadef, s'y rencontrent et parlent. Ils échangent des tons, des couleurs, un rêve ou encore une sensibilité. Ils se peignent et s'étreignent par la même occasion.