Mademoiselle, venez voir ici ! Sue Harrisson, vingt-neuf ans, hôtesse de l'air sur le Boeing 727 de la Northwest Airlines, faisant la liaison entre Detroit et Seattle, s'approche avec son plus beau sourire. L'homme qui vient de l'appeler a la trentaine. Il est plutôt bien fait de sa personne, pour autant qu'elle puisse en juger, d'énormes lunettes noires lui dissimulant en partie le visage. Il occupe la dernière rangée de l'appareil. Les deux fauteuils à côté de lui sont vides, car il y a très peu de passagers. — Vous désirez, monsieur ? — Lisez ceci, je vous prie. L'homme lui tend une feuille de papier pliée en quatre. Elle la déplie et lit : «J'exige 200 000 dollars en billets de 20 dollars et quatre parachutes, sinon je fais sauter l'avion et ses passagers. Signé D. B. Cooper.» Sue Harrisson ouvre de grands yeux ébahis. — Qu'est-ce que cela veut dire ? — Je vais vous le montrer. Celui qui se fait appeler D. B. Cooper s'empare d'une mallette qu'il avait posée sur le siège voisin du sien et fait jouer les serrures. A l'intérieur, on distingue une masse beige, semblable à de la pâte à modeler, parcourue de fils rouges et bleus reliés à une boîte noire. — Qu'est-ce que c'est ? Sans répondre, le passager referme la mallette, se lève et va la placer dans le coffre à bagages au-dessus de lui. Puis il sort de sa poche un boîtier muni d'une antenne. Il est parfaitement sûr de lui et même décontracté. — Vous voyez ce bouton ici ? Il pose le doigt dessus. — Si j'appuie, nous sautons tous. Cette fois, l'hôtesse a compris que c'est vraiment grave. Elle s'efforce de mettre en pratique les leçons qu'elle a reçues en cas de détournement. Elle demande d'une voix aussi calme qu'elle le peut — Que voulez-vous ? D. B. Cooper désigne la cabine de pilotage. — Passez devant, je vous suis. Il est exactement 15 heures, ce 24 novembre 1978, et un piratage aérien, non seulement sans précédent mais sans équivalent depuis, vient de commencer. Le commandant de bord William Scott voit arriver D. B. Cooper précédé de l'hôtesse. Il lit le papier que lui tend la jeune femme et lève les yeux vers l'arrivant. Celui-ci fait jouer son boîtier dans la main droite et s'exprime d'une voix pleine de politesse : — Mademoiselle peut témoigner du bien-fondé de ma menace. Mais je ne veux pas qu'il y ait de drame. Combien y a-t-il de passagers ? — Trente-six. — J'accepte que vous les débarquiez à Seattle, à condition qu'on ait satisfait à mes exigences et fait le plein de carburant. Le commandant Scott a transmis entre-temps le papier au radio et au copilote. Il acquiesce : — Je vais transmettre vos exigences aux autorités de Seattle. J'espère qu'elles accepteront... Je peux vous demander quelque chose ? — Dites toujours. — Je préférerais que les passagers ne soient pas mis au courant. Cela arrangerait les choses. — Je suis tout à fait d'accord. Évitons la panique. — Si vous ne regagnez pas votre place, les gens vont trouver cela bizarre et vont s'inquiéter. — D'accord. Je retourne au fond, près du téléphone intérieur. Mais pas de blague. Le doigt toujours collé sur le bouton du détonateur, D. B. Cooper traverse l'avion, sous les regards étonnés mais pas exagérément inquiets des passagers. (à suivre...)