Reléguées au second plan les primaires ou les armes de destruction massive : le sein de Janet Jackson a été le sujet de la semaine écoulée aux Etats-Unis, où l'on s'accommode d'un mélange unique de pruderie et de fascination pour le sexe. «On en fait autant que tout le monde, on est les premiers consommateurs de films pornographiques. Mais on ne peut ni l'admettre ni le montrer», constate William Drummond, spécialiste des médias à l'Université de Berkeley, «consterné» par l'ampleur de la polémique créée par l'apparition du sein de la chanteuse à la télévision à une heure de grande écoute. Le phénomène est ancien. Dans les années 1930, Mae West était interdite de radio pour un sketch sur le Jardin d'Eden. Dès le début, les «pilgrims», les pères fondateurs des USA, ont imposé des codes très stricts, leurs tribunaux multipliant les jugements pour adultères ou relations prémaritales. «Ces valeurs restent à la base de notre culture, ce qui, confronté à la modernisation et au changement, donne cet ensemble fou de contradictions», relève Robert Thompson, professeur de communication et culture populaire à l'Université de Syracuse. «Prenez la télé, elle ne montre pas le sexe, mais est pleine de références et est obsédée par le sexe», ajoute M. Thompson. Mais depuis les années 1970 et l'apparition du câble dans les années 1980, c'est la surenchère. Et les réactions outrées suivent. Les scandales foisonnent. C'est Michael Jackson en train de se toucher l'entrejambe lors d'un show dans les années 1980, se souvient Bill Drummond. Ou la série NYPD Blue, la première, en 1993, à utiliser un langage réaliste et des scènes de semi-nudité. «C'est le choc de deux cultures» qui régit l'Amérique depuis le XIXe siècle, «celle des petites villes et celle des jeunes urbains sophistiqués», dit Todd Gitlin, sociologue à l'Université Columbia.