Ashley Smith étouffe un juron de contrariété. Cette jeune secrétaire de direction, âgée de vingt-six ans et déjà veuve, vient de passer tout ce samedi 12 mars 2005 à emménager dans son nouveau deux-pièces de Duluth, une banlieue résidentielle d'Atlanta. Après s'être coltiné les caisses, après avoir collé le papier peint, accroché les rideaux, elle s'accorde enfin — à 2 heures du matin ! — une petite pause et elle aurait bien aimé fumer une cigarette. Seulement elle vient de découvrir que son paquet est vide. Heureusement il y a dans le quartier un drugstore ouvert toute la nuit, où elle décide de se rendre. Elle monte dans sa voiture garée juste au bas de l'immeuble, et, sept ou huit minutes plus tard, elle est de retour avec les cigarettes... Elle est heureuse du moment de détente qu'elle va s'accorder. Elle n'a pas eu une vie facile, loin de là. Elle a perdu l'année précédente son mari dans une bagarre sur un parking, pour un problème de stationnement. Elle s'est retrouvée seule pour élever leur fille Kathy, cinq ans. Après une période de désespoir, elle a décidé de réagir. Elle a déménagé pour s'installer dans ce coquet appartement, qu'elle vient de décorer selon son goût. C'est une nouvelle vie qui va commencer, elle en est certaine. Ashley Smith se gare derrière une grosse voiture de luxe, qui n'était pas là quand elle est partie, et compose le code. Elle entend alors la portière du véhicule s'ouvrir et, l'instant d'après, sent un objet métallique contre son dos. La voix de l'homme est très calme. — On va chez toi. Si tu te tais, il ne t'arrivera rien. Elle ouvre la porte de son appartement. Elle allume la lumière et voit pour la première fois son agresseur... L'homme a trente-cinq ans environ. Il a le crâne rasé, la mâchoire forte ; il ne doit pas faire loin de deux mètres et peser au moins cent kilos. Il est vêtu d'un pantalon de jogging et d'un blaser entrouvert sur sa poitrine nue, qui lui donnent un aspect des plus inquiétants. Il fait un petit geste avec le canon de son revolver. — Allume la télé. Ashley Smith s'exécute. Sur l'écran, le visage d'un homme apparaît, tandis qu'un speaker commente : — Voici la dernière photo de Brian Nichols, trente-trois ans, recherché par toutes les polices du pays, pour avoir commis quatre meurtres. Si vous l'apercevez, prévenez immédiatement la police. Une récompense de 70 000 dollars sera remise pour toute information qui permettra sa capture. L'homme fait de nouveau un geste avec le canon de son revolver. — Ce n'est pas la peine d'aller plus loin. Tu peux couper. Ce n'est pas la peine, effectivement. Ashley Smith l'a reconnu. Le meurtrier que recherchent toutes les polices du pays est dans son appartement. Il la menace avec son arme, qui vient de tuer quatre fois et elle pourrait bien être sa cinquième victime... Si Ashley Smith n'avait pas passé ce samedi 12 mars à emménager dans son deux-pièces, si elle avait ouvert son téléviseur ou son poste de radio, elle aurait appris le fait divers sanglant qui venait de se dérouler et elle aurait, peut-être, hésité avant de sortir seule la nuit. Seulement voilà, elle ne savait pas. Et le piège vient de se refermer sur elle. Tout commence le matin même, à 9 heures, dans une petite salle du tribunal de Fulton, en Géorgie. Brian Nichols attend de passer en jugement pour viol, accompagné d'une femme policier, Cynthia Hall. Ils sont. tous les deux seuls dans cet endroit à l'écart et le colosse ne porte pas de menottes. Le juge a décidé que ce n'était pas nécessaire, et si cette erreur va s'avérer fatale, elle est moins aberrante qu'on ne pourrait le croire au premier abord. (à suivre...)