Situation n Plus de deux mois après les législatives, le Liban est sans gouvernement, alors que sa capitale est en passe de devenir la ville de la fête et de tous les excès au Moyen-Orient. Ce pays aura tout vu : une guerre civile (1975-1990), une occupation militaire, des assassinats de personnalités importantes et une instabilité politique sans fin. Mais, les Libanais veulent croire aujourd'hui que le pire est passé et que leur pays s'est débarrassé de sa réputation de zone de conflits. Le Liban a enregistré la venue de plus d'un million de touristes en juillet dernier, un chiffre record selon le ministère du Tourisme. Beach partys nudistes, grandes soirées délirantes animées par des jet-setteuses comme Paris Hilton, casinos… Il s'agit en grande partie des membres de l'importante diaspora libanaise, ainsi que des ressortissants de pays arabes. Toutefois, les nuits blanches de Beyrouth ne sauront cacher les factions rivales qui divisent le pays. En effet, plus de deux mois après les législatives du 7 juin dernier remportées par la coalition face au camp mené par le Hezbollah, le Liban n'est toujours pas doté d'un gouvernement d'union. Les négociations achoppant notamment sur la répartition des portefeuilles. Bien que le Premier ministre, Saâd Hariri, ait assuré, jeudi dernier, que la nouvelle équipe «verra le jour, et aussitôt que possible», les âpres discussions traînent en longueur et pourraient bien durer jusqu'après le mois de ramadan selon la presse. Les deux camps rivaux avaient franchi un obstacle majeur il y a quelques semaines en se mettant d'accord sur le nombre de postes attribués à chaque partie au sein d'un cabinet de 30 ministres. Selon cette formule, en vertu de laquelle le Hezbollah et ses alliés n'obtiendront pas «la minorité de blocage» qu'ils réclamaient, la majorité aura 15 ministres, contre 10 pour la minorité et cinq ministres «neutres» choisis par le président de la République. Mais les consultations bloquent maintenant sur la nature des portefeuilles et les noms des ministres. La majorité accuse l'un des alliés du Hezbollah, le chrétien Michel Aoun, qui est à la tête du deuxième groupe parlementaire, d'entraver la formation du gouvernement en voulant maintenir son gendre à la tête du ministère des Télécommunications, accusations rejetées par Aoun. De plus, des partis des deux bords se disputent les quatre portefeuilles clés : les Finances, la Défense, les Affaires étrangères et l'Intérieur. La complexité de la répartition des portefeuilles s'explique par le fait que chaque gouvernement libanais doit, selon la Constitution, garantir la participation des principales communautés du pays. La division des partis politiques à caractère confessionnel entre deux camps opposés rend la tâche encore plus difficile. Le deuxième obstacle se situe au niveau de la majorité elle-même. Il y a deux semaines, l'un des piliers de cette coalition, le leader druze Walid Joumblatt, a effectué une volte-face fracassante en annonçant qu'il «quittait la majorité», avant de nuancer ses propos 24 heures plus tard, créant un casse-tête pour son allié, Hariri. Selon les analystes, cette position a brouillé les cartes et retardé encore plus la formation du gouvernement. Des responsables de la minorité sont allés jusqu'à affirmer qu'il n'y avait plus de véritable majorité dans le pays après le revirement de Joumblatt.