«Il y avait des mains, des jambes et d'autres restes humains éparpillés partout», raconte Mohammad Daud, un des rescapés de la frappe de l'Otan survenue, hier, vendredi, dans le nord de l'Afghanistan qui a fait jusqu'à 90 morts, selon les autorités locales. Le bombardement visait un camion-citerne transportant du carburant dont les talibans s'étaient emparés, jeudi dernier, dans la province de Kunduz, a expliqué la police. «Aucun corps n'était en un seul morceau. Les gens qui étaient plus éloignés du camion ont été grièvement brûlés», a témoigné Mohammad Daud, âgé de 32 ans. Selon des témoins et les premières déclarations de policiers et de responsables des autorités locales, des centaines de villageois, parmi lesquels des enfants, s'étaient massés pour venir puiser de l'essence à l'invitation des talibans qui ne parvenaient pas à faire repartir le camion. «Il y avait 10 à 15 talibans sur le haut de la citerne et c'est à ce moment qu'ils ont bombardé, tous ceux qui se trouvaient là sont morts», a assuré Mohammad Daud. Chaussures, montres et vêtements calcinés ont été projetés sur la berge de la rivière Kunduz où gît aussi le cadavre d'un âne, la selle encore fixée aux flancs. Le bilan du bombardement reste encore flou et contradictoire. L'armée allemande, dont 800 des 4 200 soldats présents en Afghanistan sont déployés dans la région de Kunduz, a assuré qu'aucun civil n'avait péri, tandis que le porte-parole du ministère de la Santé à Kaboul, a évoqué la présence de nombreux civils parmi les victimes. Selon lui, entre 200 et 250 villageois se trouvaient autour du camion. Le porte-parole des autorités provinciales a, quant à lui, assuré que la «plupart des quelque 90 tués étaient des talibans». Ce bombardement aérien survient au pire moment pour les forces internationales qui venaient d'annoncer une nouvelle stratégie visant notamment à mieux protéger les civils et à gagner leur sympathie. Selon l'ONU, sur les six premiers mois de 2009, plus de 1 000 civils ont péri, parmi lesquels un tiers a été tué par les forces favorables au gouvernement, essentiellement dans les bombardements aériens des troupes internationales. L'Otan, l'ONU et Kaboul ont, à l'issue de cette dernière bavure, promis d'enquêter. La Force internationale d'assistance à la sécurité (Isaf) de l'Otan a été la première à annoncer une enquête. Puis l'ONU, par la voix du numéro 2 de sa représentation en Afghanistan, l'a réclamée avec insistance et a dépêché une équipe sur place. «Tout doit être entrepris pour examiner ce qui s'est passé et pour savoir pourquoi on a eu recours à une frappe aérienne dans des circonstances où il était difficile de déterminer avec certitude qu'il n'y avait pas de civils sur les lieux», a-t-il dit dans un communiqué. Puis, de Bruxelles, le secrétaire général de l'Otan a promis une enquête «immédiate et complète».Le président afghan, Hamid Karzaï, a estimé, pour sa part, que «viser des civils de quelque manière que ce soit est inacceptable», après avoir annoncé une enquête.