Silence En parcourant l?ensemble de la presse tunisienne d?hier, il ne fallait pas trop s?attendre à une couverture vivante sur ce qui s?était passé la veille à Sfax. Pis encore, ça a été le black-out total. Les deux quotidiens majeurs en langue française, Le Temps et La Presse, ont carrément ignoré les incidents qui se sont déroulés après la fin du match Maroc-Algérie. A peine si Le Temps, journal dit indépendant, a survolé le sujet en rappelant que «de grands débordements dus à une cohorte de supporters algériens ont été enregistrés avant, au cours et après le match. Sièges saccagés au stade, atteinte à des biens publics, exacerbation des passions qui n?a rien à voir avec le sport (?). Et en dépit de tout cela, on nous informe que le service d?ordre a fait preuve de beaucoup de patience et de dextérité». Dans un autre encadré, Ameur Kerkenni, le journaliste qui a couvert la rencontre entre les deux équipes maghrébines, va encore plus loin dans ses propos en lançant un grand bravo au service d?ordre qui a, selon lui, accompli des efforts incommensurables de jour et de nuit pour assurer quiétude et bon séjour aux hôtes de la Tunisie qui ont déferlé en grand nombre sur la capitale du sud depuis vendredi, soit trois jours avant le match. Point de mots sur l?horrible bastonnade à laquelle ont eu droit beaucoup de supporters algériens, les casses de voitures, les blessés et tous les dépassements de la police et de la Garde nationale. Le journal Le Temps promet d?y revenir dans sa prochaine édition, mais on devine déjà le ton et le «rapport» clean qui seront employés. De son côté, Tunis Hebdo fait part de graves incidents à Sfax et qu?une commission d?enquête de la CAF a été mise en place pour évaluer les dégâts matériels. Sous la plume de N. Hamdi, Maroc-Algérie était un match à haut risque et certains supporters algériens avaient étalé leur hooliganisme bien avant le début du match. Selon cette même source, il y avait plus de 35 000 supporters algériens dont moins de la moitié avait trouvé place dans le stade M?hiri. L?agence tunisienne TAP avait, hier, en fin d?après-midi, annoncé que 61 supporters algériens avaient été blessés dont 5 hospitalisés. Par ailleurs, la presse tunisienne s?interroge sur l?entêtement de la CAF à faire jouer le match au stade M?hiri au lieu d?El-Menzah à Tunis, surtout que la rencontre Mali-Guinée s?est déroulée samedi dernier devant des gradins pratiquement vides. Et puis, pourquoi, se demande la presse locale, avoir privé le public tunisien d?y assister, alors que la CAN se joue bien sur ses terres. C?est donc avec un brin d?hypocrisie que la presse tunisienne a traité, ou plutôt survolé, l?ambiance terrifiante qu?ont vécue les supporters algériens à Sfax. Ville de laquelle ils ont été chassés comme des malpropres. Les journalistes étrangers, les Algériens en particulier, ont eu une parfaite idée sur la chape de plomb qui pèse sur la libre expression dans ce pays voisin et le système policier pesant et très présent qui chasse tout ce qui sort du moule du pouvoir. La manière avec laquelle les services de sécurité tunisiens ont géré les incidents illustre parfaitement leur mainmise sur la société et leur obsession à présenter la plus belle vitrine qui a aussi son revers de la médaille : sortie du stade deux heures après la fin du match, emprunt de chemins et ruelles dérobés pour arriver au centre de presse de l?hôtel Abou Nawas, folles rumeurs distillées sur le chaos créé par les supporters algériens et silence radio sur la violente répression des policiers tunisiens. Le scénario était bien ficelé pour casser de l?Algérien dans l?impunité la plus totale, sans image ni son.