1962. L?Algérie est indépendante. Elle prend en main sa propre destinée à l?issue d?une guerre de huit années qui a fait un million et demi de morts. Ces longues années de lutte armée vont constituer une thématique riche et diversifiée. La Révolution alimentera en grande partie la cinématographie algérienne. L?un des premiers longs-métrages s?intitule Une si jeune paix, un film réalisé en 1964 par Jacques Charby. Il raconte l?aube de l?indépendance : «Des centaines de milliers de jeunes Algériens se sont retrouvés orphelins. Des centres furent créés pour recevoir les fils de chouhada. Une grande et exaltante tâche d?éducation se posait. Il fallait faire oublier à ces enfants les horreurs de la guerre et leur permettre de se préparer à la vie dans un pays en paix.» Ce film poignant et saisissant retrace le portrait d?enfants traumatisés par la guerre et dont le comportement quotidien reste empreint de violence. Une si jeune paix a valu à son réalisateur le Prix du jeune cinéma au festival de Moscou en 1965. Une si jeune paix marque la naissance de la fiction algérienne. Une année plus tard, Ahmed Rachedi réalise L?Aube des damnés. Ce film, qui a obtenu le Prix du congrès mondial de la paix au festival international de Leipzig (1965) et le Prix d?honneur au festival de Karlovyvari (1666), montre «le vrai visage de l?Afrique recherché à travers des documents, monuments, livres et images du passé». Il raconte la colonisation de l?Afrique ? et des pays du tiers-monde ? ainsi que la lutte des peuples pour leur indépendance. 1966 est l?année phare pour la cinématographie algérienne. La Bataille d?Alger paraît sur grand écran. Réalisé par Gillo Pontecorvo, ce film est basé sur l??uvre de Yacef Saâdi, inspirée des récits de ceux qui l?ont vécue. La Bataille d?Alger propose «une reconstitution des événements qui ont ébranlé la capitale de l?Algérie et secoué l?opinion internationale à l?heure de la guerre révolutionnaire menée par le peuple algérien contre les forces d?occupation coloniale». Ce film mythique restera une référence en matière de cinématographie, tout comme Le Vent des Aurès (1966) de Mohamed Lakhdar Hamina, qui a valu à ce dernier le Prix de la première ?uvre au Festival de Cannes en 1966, le Prix du meilleur scénario, le Grand prix de l?Union des écrivains soviétiques pour le scénario et son apport à la littérature universelle à Moscou en 1967, et enfin la Gazelle d?or à Tanger (Maroc) en 1968. Le film est interprété par Mohamed Chouikh, Hassan el-Hassani et Keltoum. D?autres films sur la guerre viennent élargir l?éventail de la cinématographie algérienne : La Voie de Mohamed Slim Riad, L?Enfer à dix ans, Hassen Terro de Mohamed Lakhdar Hamina avec Rouiched, Les hors-la-loi de Tewfik Farès, L?Opium et le bâton de Ahmed Rachedi d?après le roman de Mouloud Mammeri, Patrouille à l?est? La cinématographie algérienne continue de proliférer et produit des chefs-d??uvre. Alors que certains réalisateurs continuent d?exploiter la Révolution, d?autres, en revanche, changent de thématique et s?orientent vers d?autres sujets d?actualité. Les années soixante-dix voient l?émergence d?une nouvelle génération de cinéastes et favorisent en conséquence une nouvelle production cinématographique, donc une nouvelle esthétique, alimentée en thèmes divers. Paraissent alors des films comme Les Vacances de l?inspecteur Tahar de Moussa Haddad, Vent du Sud de Mohamed Slim Riad d?après le roman de Abdelhamid Benhadouga, Echebka (Les Pêcheurs) de Mustapha Toumi, Omar Gatlatou de Merzak Allouache, Leïla et les autres de Sid Ali Mazif (qui a obtenu le 1er prix de l?Union des écrivains soviétiques au festival de Tachkent en 1978)? D?autres suivront, durant les années quatre-vingt : Un Toit, une famille de Rabah Laradji (1982), Hassen Taxi de Slim Riad (1982), Une Femme pour mon fils de Ali Ghalem (1982)? D?autres réalisations cinématographiques, en nombre étonnement moindre, viennent ponctuer la décennie quatre-vingt-dix : Youcef de Mohamed Chouikh (1993), La Montagne de Baya de Azzedine Meddour (1997)? Tous ces films, de 1970 à 1999, sont inspirés de la réalité sociale et culturelle, qui prévalait à l?époque, et s?imposait à l?inspiration créatrice des cinéastes. Durant cette dernière décennie, le cinéma algérien, compte tenu de la crise économique liée à celle engendrée par la fracture politique, a connu ? et connaît ? une crise qui s?est traduite par la dissolution subite et brutale des différentes structures chargées de la production, de la réalisation et de la diffusion du cinéma. Ainsi, le cinéma meurt peu à peu. Il agonise. Il ne reste de la cinématographie algérienne que de chatoyants souvenirs qui, de fil en aiguille, remontent à une époque qui nous semble lointaine, imaginaire !, que quelques parfums évoquant une époque où l?Algérie se montrait fière dans les différentes rencontres cinématographiques internationales. Toutefois, l?espoir pour une reprise se fait sentir et se profile à l?horizon. Djazaïr 2003, une Année de l?Algérie en France, cette manifestation culturelle et artistique sur le sol français qui s?est déroulée durant toute l?année 2003, a, en effet, réactivé l?activité, voire la production cinématographique algérienne, cependant en moindre quantité. Mais l?espoir y est, l?espoir de relancer le septième art et de restituer à l?Algérie sa place dans les festivals internationaux.