Tradition n Au-delà de son aspect spirituel, le mois de ramadan est aussi une occasion pour les membres d'une même famille, voire de familles différentes, de se rencontrer autour d'une table de f'tour bien garnie. Avec, bien entendu, l'incontournable chorba, le bourek, le kalbellouz et d'autres plats et confiseries dont la seule évocation rappelle le mois sacré. Pourtant, la table de nombreuses familles algériennes ne comporte pas tous ces plats. Nous avons jugé utile de rapporter le quotidien de familles à faibles revenus de la wilaya de Tizi Ouzou. Des familles qui ne sont pas déclarées pauvres, donc qui ne bénéficient pas du couffin du ramadan et qui vivent le mois de jeûne au jour le jour. La famille Z. habite Draâ Ben Khedda. Saliha, la mère de famille, une employée dans un atelier de confection de vêtements, a bien voulu nous faire partager une journée de ramadan. Avec un mari au chômage technique et cinq enfants scolarisés, les moyens dont dispose la famille ne lui permettent de se faire plaisir que très rarement. Il est environ 16 heures lorsque Saliha nous accueille. Elle vient juste de rentrer chez elle et elle se rend immédiatement dans la cuisine pour préparer le f'tour. Elle sort les légumes du réfrigérateur pour la chorba. «Aujourd'hui, nous dit-elle avec le sourire, c'est une chorba sans viande.» Un oignon finement haché, des carottes et des courgettes coupées en petits cubes, un bouquet de menthe et de coriandre et un cube de bouillon de volaille. A la fin, elle rajoutera des vermicelles en nous expliquant que le frik qui fait 160 DA le kilo n'est pas à sa portée. Pour le deuxième plat, Saliha nous dit qu'elle préparera des patates au four. «Vous savez, heureusement que ces-jours-ci le prix de la pomme de terre n'a pas atteint 80 DA comme les mois passés, sinon les pauvres ne trouveraient pas quoi manger», se félicite-t-elle. Le s'hour de la famille est souvent composé de café au lait et de pain remplacé parfois par de la brioche et des gâteaux que Saliha prépare quand son budget le lui permet. Parfois, du couscous est servi avec des légumes cuits à la vapeur. Saliha le prépare elle-même et c'est de l'argent économisé pour le modeste budget familial. Quand la famille Z. achète un poulet, il est utilisé pour préparer la chorba. Les autres plats ne comportent pratiquement jamais de viande. La brave dame ne se plaint pas pour autant de son sort. «Malgré notre manque d'argent, nous sommes une famille heureuse. Il est vrai que j'aurais aimé vivre mieux mais je ne désespère pas. Lorsque mes enfants qui sont de bons élèves, commenceront à travailler, notre vie s'améliorera. Il ne sert donc à rien d'aller demander l'aide au Croissant-Rouge, si ce n'est, peut-être, mettre dans la gêne mes enfants vis-à-vis de leurs camarades. Et puis, il y a des gens plus pauvres que nous qui méritent davantage cette aide», conclut Saliha avec beaucoup de dignité.