Résumé de la 2e partie n On retrouve le corps calciné du petit Christian, mais celui du plus jeune, Rémy, est introuvable. Je viens d'apprendre ce qui est arrivé à Vercel. Il est de mon devoir de vous signaler qu'un de mes pensionnaires s'est échappé. — Quand cela ? — Hier après-midi. Sa tante m'a appelé. Il a été chez elle. Il est entré par effraction et il lui a volé du sucre, du café et des allumettes. — Des allumettes ! — Je sais ce que vous pensez, mais ce n'est certainement pas lui, il est très doux, très pacifique. C'est d'ailleurs pour cela que je lui avais accordé une grande liberté de mouvement. — S'il était chez vous, c'est qu'il y avait quand même une raison. — Oui, il a commis deux incendies et deux meurtres... Les gendarmes ne partagent pas du tout l'avis du médecin sur le côté doux et inoffensif du malade évadé. Et ils sont encore plus certains qu'il se trompe lorsque leur parviennent les renseignements le concernant. Il s'appelle Pierre Joseph. Il est né le 1er octobre 1920 à Belle-Isle-en-Terre. Il est donc âgé de vingt-neuf ans et présente déjà un tableau clinique des plus alarmants. Jusqu'à l'âge de quinze ans, il n'a fait que voler des allumettes et des couteaux, sans passage à l'acte. Il était aussi sujet, sans la moindre raison, à des crises de nerfs épouvantables. Le reste du temps, c'était un enfant timide et renfermé, qui pouvait rester des jours entiers sans parler. Il était également très retardé sur le plan intellectuel. Sa mère, qui l'élevait seule, ne sachant quoi faire de lui, l'a expédié chez son frère aîné, qui travaillait en usine à Aubervilliers. Mais le jeune Pierre Joseph s'est avéré incapable de faire un ouvrier. Le bruit des machines le terrorisait et, après deux crises de nerfs, il a fallu le renvoyer. Son oncle et sa tante le laissaient donc à la maison pour surveiller leur fille, âgée de quinze mois. Et ce fut le drame. La fillette faisait ses dents, elle hurlait toute la journée. A la fin, n'en pouvant plus, le gamin, qui avait une peur panique du bruit, l'a noyée dans une bassine d'eau. Puis il a mis le feu à la maison. Il a été déclaré responsable et jugé par un tribunal pour enfants, qui l'a condamné à dix ans de réclusion dans une colonie pénitentiaire, c'est-à-dire un bagne pour enfants, une institution qui a disparu depuis. Pierre Joseph y a passé toute la guerre. Il a purgé intégralement sa peine et en est sorti à l'âge de vingt-cinq ans. Il est rentré alors chez lui, à Belle-Isle-en-Terre. Là encore, le drame est arrivé presque tout de suite. Quelques jours plus tard, il égorgeait sa mère, dévastait la maison, s'acharnant en particulier sur la literie, puis il mettait le feu. Les voisins l'ont décou-vert dansant et chantant au milieu des flammes, couvert de plumes et de sang. Cette fois, les médecins le déclarent irresponsable et il est envoyé à l'asile de Vannes. C'était il y a quatre ans. Depuis, selon le docteur Lefaucheux, son état mental n'a cessé de s'améliorer, et il lui a confié progressivement de plus en plus de tâches : balayer le réfectoire, servir à table et, récemment, aller en ville pour faire les provisions. C'est à la suite d'un de ces déplacements qu'il n'est pas rentré à l'asile et qu'il est allé chez sa tante voler du sucre, du café et des allumettes... Son signalement est affiché dans toutes les gendarmeries de la région : un mètre soixante-cinq, cheveux châtains, sourcils réunis, front petit, menton en galoche, nez retroussé et légèrement épaté, teint clair, visage ovale, regard sournois. (à suivre...)