Poids n Les employés des Aswak el-fellah et des Galeries algériennes figuraient en haut de l'échelle sociale. Ils n'avaient rien à envier aux décideurs tant ils pouvaient faire la pluie et le beau temps au sein de la société. Ils étaient très convoités. Tout le monde cherchait à faire leur connaissance. Les Aswak el-fellah et les Galeries algériennes constituaient une véritable attraction dans les années 1980. «C'était une destination très prisée» pour reprendre l'expression de Djamel. Proposant des produits et des articles variés à des prix très raisonnables, ils ne désemplissaient pratiquement jamais. Quand ils procédaient à la vente d'une denrée «rare» comme les pommes de terre ou les œufs, ils étaient tout simplement envahis. Les gens venaient de partout qui pour «mettre la main» sur un bidon d'huile, qui pour «arracher» quelques kilogrammes de pommes de terre. Certains parcouraient des dizaines de kilomètres, le plus souvent à pied, et faisaient la queue pendant des heures sans être certains d'avoir leur part du «gâteau». C'est que les quantités qu'on distribuait, suffisaient rarement à satisfaire la demande. Mais les vicieux s'arrangeaient toujours pour être servis sans avoir à «subir» la chaîne en prétextant une maladie ou un handicap. Alors que les pistonnés n'avaient qu'à exprimer la demande pour avoir droit aux produits «les plus rares» comme le yaourt et les bananes. Pour espérer faire partie de cette catégorie, il fallait se lier d'amitié avec un employé des Aswak el-fellah ou des Galeries algériennes. Ce qui n'était pas une mince affaire à l'époque, il faut bien le souligner. Et pour cause : ceux qui travaillaient dans ces espaces commerciaux figuraient en haut de l'échelle sociale. Ils n'avaient rien à envier aux décideurs tant ils pouvaient faire la pluie et le beau temps au sein de la société. «Ils étaient très convoités. Tout le monde cherchait sinon à gagner leur amitié, au moins à faire leur connaissance. Ils étaient tous importants, du directeur à l'agent d'entretien en passant par le gardien et le contrôleur de tickets», fait remarquer Djamel. «Si tu connais l'un d'entre eux, tu as d'office les pommes de terre, le yaourt, l'huile de table et les œufs», souligne, de son côté, Djamila. Et Khaled de confirmer : «Ils étaient des employés à part. Beaucoup de jeunes rêvaient d'ailleurs de travailler dans les Aswak el-fellah.» C'était l'âge d'or de ces grandes surfaces qui ont fini, cependant, par disparaître avec l'avènement de l'économie de marché.