Hommage n La salle Ibn Zeydoun (Riad el-Feth) a vibré, lors d'un concert, aux rythmes des sonorités ganouies, en hommage à l'un des maîtres du diwan. Plusieurs artistes issus de l'univers gnawi ont tenu à monter sur scène pour rendre un hommage musical à cet homme et artiste de talent, disparu, à l'âge de 43 ans, il y a un an. Maâlem Benaïssa, Ben pour les intimes, se distinguait par son charisme artistique exceptionnel et a pu marquer, d'une façon indélébile, et par une empreinte qui lui est propre, ce genre musical auquel il s'identifiait. C'est en présence de la famille du défunt que le spectacle a commencé par la projection d'une séquence du documentaire Gnawittitude, où le public a pu découvrir Maâlem Benaïssa, muni de son légendaire goumbri, dans un studio d'enregistrement à Roubaix, en duo avec DJ Balaoun en 2005. Ensuite, place au show. Plusieurs artistes (Mohamed Reouan, Joe Batoury, Ouled Houassa, Africa Influence et Harmonica) se sont succédé sur scène, gratifiant une assistance nombreuse et pleine d'entrain. Tous se sont distingués dans un style et imaginaire musical propre au ganoui, dans une prestation avérée L'orchestration était juste et l'interprétation vocalique était saisissante. L'ambiance était à son fait. La soirée, très animée, était riche en sonorités authentiques et exubérantes, puisées dans les tréfonds d'une Afrique ancestrale. L'Afrique s'est déployée dans son ancestralité. Aux sons des percussions se sont mêlés ceux des cuivres (karkabous) et des instruments à cordes, tel le légendaire goumbri, un instrument ancestral où rare sont ceux, sauf les maîtres, à percer tous les secrets. Toutes ces sonorités chaudes et percutantes ont créé une ambiance de fête. Le public était en délire. Débordant d'énergie, il s'est adonné au rite la transe. Cette consécration rendue à Maâlem Benaïssa est un devoir car il est considéré comme une légende. Maâlem Benaïssa, un artiste de grand talent, est connu comme un virtuose du goumbri – il avait d'ailleurs percé, par sa sensibilité profonde et sa connaissance approfondie pour l'instrument, ses mystères. Il est connu également pour son charisme sur scène. Tout cela lui a permis respects – et admiration – de sa communauté, c'est-à-dire de sa confrérie, et aussi du public. Maâlem Benaïssa est, outre un musicien, un chercheur inlassable de la tradition et de la culture gnawa en Algérie. Il est à l'origine de la renaissance du culte gnawa. «Son vœu, disent ceux qui l'ont connu et côtoyé tout au long de sa carrière, était de mettre à la disposition du grand public cette musique.» «Il ne cessait de revendiquer haut et fort, la spécificité du diwan algérien qui présente d'ailleurs de multiples variantes», ajoutent-ils. Ainsi, Benaïssa s'imposa très vite comme Maâlem Diwan, c'est-à-dire maître de cérémonie gnawa et gagna, en conséquence, le respect des anciens. D'une grande curiosité et ouverture d'esprit, il étend son expérience à d'autres genres musicaux très ancrés dans la tradition locale. Cette quête d'innovation le poussa à multiplier les rencontres avec des artistes de différents horizons et à assurer des fusions accomplies. Ils ont dit sur lui… Nacim Laâssel (Ouled Houassa) l C'était un grand artiste, un grand maâlem du goumbri. Sa musique, celle du diwan, est un héritage qu'il nous a légué. De jeunes formations sont sur ses traces et continuent à perpétuer sa musique. Il restera toujours dans nos cœurs, comme artiste et comme personne. Joe Batory l C'était un artiste modeste aussi bien sur scène que dans la vie. Il aimait beaucoup rire, tout comme il aimait sa musique. Il aimait, par-dessus tout, son instrument el-goumbri. Il aimait innover et créer avec son instrument qu'il affectionnait énormément. Il a laissé, après sa disparition, un héritage ; et des artistes qui ont joué de son vivant, avec lui, entretiennent encore ce legs. Ce qui est étonnant, c'est qu'il y a une relève, jeune pour la plupart, qui ressuscite, chacune à sa manière et avec sa propre touche, l'esprit Benaïssa, à savoir maintenir et prolonger la tradition ganaouie. Mohamed Reouan l C'était un ami et un enfant de mon quartier de Belcourt. On avait plusieurs projets artistiques ensemble. C'était un musicien exceptionnel, unique en son genre, parce qu'il avait une vision spirituelle de la musique qu'il faisait. C'était un joueur hors paire de goumbri. Il avait un respect religieux pour l'instrument. Il le maniait à la perfection. Il ne jouait pas pour impressionner, mais pour créer des sensations et sensibiliser le public sur l'héritage musical du gnaoui. Il avait une grande sensibilité. J'ai un grand respect et une admiration pour lui.