Musique n Un hommage à titre posthume a été rendu, jeudi, à Benaïssa, maître du goumbri et l'un des chantres de la musique gnaouie. Ce fut également l'occasion de rencontrer son jeune cousin, Joe Batoury, une voix prometteuse et un joueur de goumbri avéré, fidèle à la tradition – et aux enseignements du Maâlem Benaïssa. Se disant «fier de son ancrage dans la culture africaine et plus fier encore d'être le jeune cousin de Maâlem Benaïssa», Joe Batoury fait partie du groupe Sakia qui, depuis sa création, il y a quelques années, affine son jeu, enrichit sa musique et multiplie les expériences et les rencontres. Interrogé sur l'héritage de son cousin, Maâlem Benaïssa, Joe Batoury se dit confiant quant à la «succession» de ce dernier. «Il y a une relève», affirme-t-il, et de reprendre : «Quand nous voyons ce que font les artistes, seuls ou en formation, et notamment ceux qui l'ont côtoyé artistiquement parlant, nous pouvons dire, à coup sûr, que la relève est bel et bien là. Elle existe.» Joe Batoury précise toutefois que de tous ces artistes, sur les traces de Maâlem Benaïssa, cherchent, dans cet imaginaire musical qu'ils partagent, une voie qui leur est propre. «Même moi, en suivant les enseignements de mon cousin, j'essaie de forger mon propre style», souligne-t-il, et de reprendre : «Mon style est un gnaoui mélangé à diverses sonorités, à savoir le hip-hop, le rap, le reggae.» Cela revient à dire que Joe Batoury œuvre dans un gnaoui fusion. «Cela donne du ragga», dit-il, et d'expliquer : «C'est une tendance de sonorités électroniques. Il y a des sonorités qui peuvent se mélanger au gnaoui (et donc s'accorder au goumbri), et d'autres qui ne collent pas. Ce ne sont pas tous les styles et sons qui marchent. Seules les sonorités chaudes et rythmées vont ensemble.» Ainsi, tout comme Maâlem Benaïssa, Joe Batoury se veut ouvert à d'autres expériences musicales. D'où la question : Joe Batoury serait-il pareil à son cousin ? «Benaïssa avait sa touche, et moi j'ai la mienne», souligne-t-il, et d'ajouter : «Mon cousin a eu un riche parcours. Il a côtoyé des artistes étrangers et a également joué avec des musiciens d'ici. Cette confrontation a nourri sa musique et l'a rendue consistante, alors que moi je ne suis qu'au début de ma carrière.» «C'est vrai, poursuit-il, que je suis influencé par sa personne et par sa musique, puisqu'il est mon cousin, mais aussi par mon oncle Maâlem Abdelkader Choual, un maître du goumbri, mais je ne peux, en aucun cas, prétendre être identique à lui. Tout ce que je peux dire, c'est que je suis la relève tout comme ces jeunes qui font du gnaoui.» S'exprimant sur le gnaoui en question, Joe Batoury se dit confiant quant à l'avenir de ce genre musical. «Le gnaoui se porte bien, il y a un travail qui se fait, il y a des scènes (des festivals et des concerts), il y a des groupes, donc la relève est assurée», déclare-t-il, et de préciser : «Ce qu'il n'y a pas, en revanche, ce sont les productions. Il y a certes plusieurs formations, mais pas d'albums en raison de manque de moyens.» Ainsi, le manque de moyens permettant à tous ces jeunes adeptes de goumbri et de karkabous de financer l'enregistrement de leur album, fait que la pratique du gnaoui se résume uniquement à la scène. Et rares sont ceux qui arrivent à faire un album.