Etymologie n L'ogre est généralement représenté sous la forme d'un homme gigantesque, à la barbe et aux cheveux hirsutes, les doigts pourvus d'ongles acérés. Les ogres et les ogresses font partie des personnages les plus caractéristiques des contes algériens et maghrébins d'une façon générale. Le mot arabe utilisé pour désigner l'ogre est ghoul, féminin ghoula. Il provient du classique ghoul, pluriel aghwâl et ghilân, mot désignant également une sorte de démon qui guette les voyageurs sur les routes, les surprend et les dévore ensuite, en commençant par les pieds. D'une façon générale, le mot s'emploie pour désigner tout démon malfaisant qui peut prendre toutes les formes possibles, humaines ou animales, pour tromper ses proies, ainsi que tout ce qui peut survenir, de façon inattendue, à un voyageur dans le désert, qui l'enlève ou le fait périr. Par métaphore, ghoul désigne le malheur, l'accident, l'événement néfaste qui surprend et désole. Tous ces mots doivent être rapportés au verbe ghâla, qui signifie «emporter, enlever subitement un être humain ou une chose, faire périr...» Signalons que ghoul est passé dans les langues européennes sous la forme goule, mot désignant une sorte de vampire femelle, dévorant les cadavres dans les cimetières. L'idée d'enlever, de saisir se retrouve dans le nom berbère le plus répandu de l'ogre et de l'ogresse, amza, tamza, que l'on retrouve dans les dialectes algériens et marocains : les mots proviennent, en effet, de la racine amez' «prendre, saisir», l'ogre étant celui qui surprend et qui emporte. Le chaouia des Aurès emploie encore le mot agherziw, féminin tagherziwt. L'arabe dialectal a emprunté ce mot pour nommer l'ogresse, gherza. Dans les Aurès, un défilé porte même le nom de foum-el-gherza, ou «bouche de l'ogresse». Le kabyle, lui, se singularise par des termes propres : awaghzen pour l'ogre, tawarzant et surtout teryel pour l'ogresse. Ces mots apparaissent comme des noms propres, Waghzen étant le nom d'un village en Kabylie même et d'un groupe ethnique à Ghadamès, en Libye, qui occupe l'une des deux parties de la ville. L'ogre est généralement représenté sous la forme d'un homme gigantesque, à la barbe et aux cheveux hirsutes, les doigts pourvus d'ongles acérés avec lesquels il égorge ses proies. L'ogresse est aussi sauvage : elle a les seins gonflés comme des outres et, dans les contes kabyles, elle les rejette derrière son dos ! Selon une tradition bien établie au Maghreb, les ogres auraient réellement existé, à une période lointaine. Aujourd'hui encore, dans certaines contrées de l'Algérie, en Kabylie, par exemple, on pense que des populations d'ogres (anthropophages) existeraient dans les forêts. Certaines tribus seraient issues de ces populations. Cette croyance est peut-être à l'origine de toponymes comme waghzen en Kabylie, ou les waghzen de Ghadamès. Au siècle dernier, on croyait que la tribu des Oulâd Settout, descendent d'une ogresse. Or settout, qui signifie la «mégère» est également le nom porté par l'ogresse, dans certains contes. «A l'origine, on voyait settout leur mère parcourir avec ses trois enfants un territoire encore désert, dévorant les gens et nourrissant ses petits de chair humaine. On ne savait d'où elle venait ; on ne lui connaissait aucun mâle, ogre ou homme, ce qui fit dire plus tard que les Ouled Settout n'avaient pas de père. Après avoir désolé la contrée pendant de longues années, elle disparut subitement ; on ne la revit plus. Mais ses petits restèrent dans le désert de Garet : ils furent la souche des Ouled Settout actuels.» (à suivre...)