Etrangeté n Les deux frères ne peuvent se passer l'un de l'autre : ils dorment dans le même lit, mangent et jouent ensemble, portent les mêmes vêtements et ont les mêmes goûts. On rapporte qu'autrefois, un homme avait deux femmes. Elles sont enceintes et toutes les deux mettent au monde deux garçons. Leur père, en se penchant sur leur berceau, s'exclame. — Comme ils se ressemblent ! Les deux bébés sont en effet, si ressemblants, que les mères ont de la peine à les reconnaître. — Comment allons-nous faire pour les distinguer, dit une mère. — Pourquoi les distinguerait-on ? — Tu dois savoir qui est ton fils et qui est le mien ! — Je te dis que c'est inutile : nous les élèverons ensemble, nous les nourrirons au sein et ils ne se sépareront jamais ! La seconde mère hoche la tête. — Tu as raison ! Ils seront comme des jumeaux ! Et puis, il a fallu choisir des prénoms aux deux enfants. — Moi, dit la première, je l'appellerai Ali. — Moi aussi, dit la seconde. Le père proteste. — Mais on ne les distinguera pas ainsi ! — Même s'ils portent des prénoms différents, on ne pourra pas les distinguer ! — Alors ils porteront le même prénom ! Les enfants sont tous les deux appelés Ali. Ils vont grandir ensemble pendant quelques années. Les deux frères ne peuvent se passer l'un de l'autre : ils dorment dans le même lit, mangent et jouent ensemble, portent les mêmes vêtements et ont les mêmes goûts. Quand une mère appelle «Ali», ils viennent tous les deux. — J'ai appelé l'un de vous ? — Qui as-tu appelé ? — Mon fils Ali ! L'un des garçons dit : — Je suis Ali ! L'autre avance. — Moi aussi, je suis Ali ! La mère demande. — Vous ne savez donc pas qui est mon fils et qui est le fils de ma coépouse ? — C'est à toi de le savoir ! Mais ni cette femme ni sa coépouse ne sont capables de faire la distinction. Cela importe peu aux deux enfants qui, eux, n'ont pas besoin de faire de distinction. — Je suis Ali, et voici mon frère. — Moi aussi je suis Ali, et c'est lui mon frère ! Ils sont unis comme les deux doigts de la main. (à suivre...)