Résumé de la 11e partie n Mandrin est jugé en une journée. Sa condamnation à la roue, par contumace, est confirmée et son exécution fixée au 26 mai. Ce jour-là, une foule immense a envahi Valence, dix mille personnes peut-être, mais elle aurait été certainement plus importante si tout ne s'était pas fait avec une telle précipitation. Louis Mandrin est conduit jusqu'à la place des Clercs. Il marche la corde au cou, en chemise, pieds nus, tenant un cierge allumé dans ses mains liées. Une pancarte a été accrochée dans son dos : «Chef de contrebandiers, assassin, criminel de lèse-majesté, faux-monnayeur, perturbateur du repos public». Selon les témoins, il s'avance «avec une constance et une fermeté sans pareilles». Il arrive sur le lieu de son supplice. Le père Gasparini, qui est là pour l'assister, défaille sous l'effet de l'émotion. C'est Mandrin qui doit le soutenir. Puis, tandis que l'ecclésiastique entame ses prières, il se laisse lier par le bourreau sur le chevalet. Il s'agit de deux montants de bois en forme de X supportant les bras et les jambes, la tête restant dans le vide... Le supplice de la roue, le plus terrible de tous, consiste à être brisé sur le chevalet, puis à être déposé sur une roue horizontale pour y agoniser. A l'aide d'une barre de fer, le bourreau rompt les coudes et les genoux de la victime, puis sa cage thoracique, le dernier coup sur le ventre devant être assez fort pour fracturer la colonne vertébrale. Mandrin endure cette véritable torture avec le plus grand courage. Pas un cri ne s'échappe de sa bouche. Il n'aura pourtant pas à subir les affres de l'agonie. Au bout de huit minutes, le bourreau l'étrangle avec une cordelette, selon un ordre exprès du président Malaval en annexe au jugement. S'agit-il d'un geste de générosité ou d'une précaution pour ne pas faire du condamné un martyr ? Les deux peut-être... Ainsi s'est terminée, à l'âge de trente ans, la fulgurante carrière de Louis Mandrin. Pendant un an et demi, il a tenu tête à toutes les forces armées lancées contre lui et n'a succombé que grâce à une action illégale, doublée d'une trahison... L'homme est mort mais sa légende commence. Elle est propagée dans tout le pays par la Complainte de Mandrin, une chanson anonyme qui connaît un immense succès. En même temps, le théâtre de Nancy donne une pièce en trois actes : La Mort de Louis Mandrin, d'un certain Lagrange. Des journaux populaires racontant sa vie et sa mort sont imprimés aux quatre coins du royaume, ainsi que des portraits, que les pauvres paysans de France affichent dans leurs masures. Et jusqu'au milieu du XXe siècle, soit pendant plus de deux cents ans, son souvenir reste vivace en Dauphiné. Alors, Mandrin un Robin des Bois français du XVIIle siècle ? Il y a de cela même si, contrairement au héros anglais, il a bien été, et à plusieurs reprises, un assassin. Il était plus politisé et plus revendicatif aussi. En s'en prenant à l'institution la plus injuste d'une société injuste qui n'allait pas tarder à disparaître, il méritait presque le nom de révolutionnaire ou, du moins, de prérévolutionnaire. Mais quel que soit le qualificatif qu'on lui donne, Mandrin - le bandit bien-aimé! - restera un être à part. Il a dit de lui-même, peu de temps avant sa mort : «Je n'ai volé que plus voleur que moi». Et c'est l'exacte vérité !