Cyclope n Au XIXe siècle, l'écrivain allemand, Frobenius, rapporte, dans son recueil de contes kabyles, un récit mettant en scène un cyclope vaincu par un jeune garçon… Nous allons clore cette série de contes sur les ogres par un récit légendaire, mais auquel on donne la forme d'un récit authentique. Il s'agit d'un personnage qui ressemble à un ogre, mais qui a les caractéristiques d'un personnage typique : le cyclope, un géant monstrueux qui a un œil, planté au milieu du front. Homère, dans son célèbre poème, L'Odyssée, en a immortalisé l'image, en opposant l'un d'eux à Ulysse, le fameux roi d'Ithaque qui, revenant de la guerre de Troie, s'est perdu dans les océans. Dans le récit d'Homère, Ulysse et ses hommes, poussés par la tempête, échouent sur l'île de Triacrie, la Sicile actuelle. Ils trouvent refuge dans une caverne, ignorant qu'il s'agit de l'antre du cyclope Polyphème. Celui-ci découvre Ulysse et ses compagnons et dévore plusieurs d'entre eux. Le rusé Ulysse parvient à l'enivrer et, une fois Polyphème plongé dans un profond sommeil, il chauffe à blanc un épieu acéré et le plonge dans son unique œil, le rendant ainsi aveugle. Le géant se réveille et se met à hurler de douleur, il tente, mais en vain, de se saisir des Grecs qui parviennent à se réfugier dans les anfractuosités de la grotte. Au matin, au moment de conduire les bêtes au pâturage, le cyclope se met devant l'entrée de la caverne et palpe les moutons pour qu'Ulysse et ses compagnons ne les utilisent pas comme montures pour s'échapper. Mais le rusé grec a suggéré à ses amis de s'agripper aux ventres des bêtes. C'est ainsi qu'ils parviennent à s'échapper. Voilà donc l'histoire que raconte Homère… Il a dû l'emprunter aux légendes et mythes grecs anciens, mais l'histoire de Polyphème est loin d'être spécifique à la Grèce, puisqu'on la retrouve dans d'autres contrées de la Méditerranée, y compris au Maghreb. Au XIXe siècle, l'écrivain allemand, Frobenius, rapporte dans son recueil de contes kabyles, un récit qui ressemble beaucoup à celui d'Homère, avec un cyclope, également vaincu par un personnage rusé, non pas un roi, mais un jeune garçon… Si nous avons employé le mot «ogre» à la place de «cyclope», c'est parce que c'est le mot ogre qui est employé dans le récit kabyle, aweghzen. Dans la version de Frobenius, on relève aussi l'expression tit' uqerru, littéralement «œil de la tête», à traduire «œil dans la tête». C'est l'image traditionnelle du cyclope, telle qu'on la rencontre dans la mythologie méditerranéenne. Le mot cyclope vient du grec kuklops, terme qui se décompose en kuklos «roue» et ops «œil», autrement dit : «œil rond». Selon une autre version, rapportée par Hellionios, le mot cyclope était à l'origine le nom propre d'un des fils d'Ouranos, c'est seulement par la suite que le mot s'est mis à désigner la race de géant portant un œil au milieu du front. Quatre récits analogues ont été relevés au Maghreb, plus précisément au Maroc : un de ces récits, recueilli dans le sud de ce pays, est en arabe, les trois autres en berbère. Les héros des aventures sont soit un saint, en l'occurrence Sidi H'amed Ou Moussa, soit un poète, qui affronte le monstre et arrivent à le vaincre, en lui crevant son unique œil. Dans tous les récits, le personnage monstrueux habite dans une grotte qu'il obstrue au moyen d'un tronc d'arbre ou d'un rocher. Autre point commun, les «cyclopes» maghrébins, comme celui d'Homère, sont bergers… (à suivre...)