Faille n L'autre problématique de l'édition algérienne est la spécialisation, c'est-à-dire que les maisons d'édition existantes ont une ligne éditoriale généraliste. Cela revient à dire qu'elles misent sur la variété des titres et des genres, allant de la littérature aux beaux livres, en passant par le livre d'histoire, les Mémoires ou encore les essais – là aussi elles travaillent dans la diversité et dans le général. L'on assiste toutefois à une tentative de spécialisation de la part de certaines maisons d'édition, à l'instar des éditions Apic, qui œuvrent avec rigueur et un esprit professionnel. «Nous sommes une maison d'édition spécialisée, d'autres le sont aussi», dira Karim Chikh des éditions Apic, et d'expliquer : «mais il est vrai aussi que tout le monde tente de faire tout et rien en même temps. Et cela ne peut durer dans le temps. Les plus sincères, eux, restent, quelle que soit la situation car la passion est plus forte.» Selma Hellal, des éditions Barzakh, souligne, pour sa part, qu'«il est encore trop tôt» pour parler de spécialisation. «Il est encore trop tôt», dit-elle, et d'ajouter : «la spécialisation des maisons d'édition est le fruit d'une sédimentation, d'un processus très lent. Lequel est, de surcroît, en miroir avec la structuration de la société.» Et Selma Hellal de poursuivre : «il n'y a pas encore eu de ‘'différenciation'', nous avons encore beaucoup d'auteurs qui se sentent investis d'une mission, celle de prendre ‘'tout'' en charge dans leur littérature. Ils veulent ‘'expliquer'' ce qui s'est passé pendant les années de violence, raconter de manière exhaustive les maux de notre société. Nous avons besoin de temps pour que le processus de différenciation aboutisse. Ainsi, il me semble que ce raisonnement vaut également pour les maisons d'édition.» Ainsi, le travail de la spécialisation et donc de la différenciation reste à faire – ou bien il est en train de se faire, mais d'une manière progressive. «On peut néanmoins répertorier, d'ores et déjà, les maisons d'édition ayant ce qu'on peut appeler des domaines de prédilection», souligne-t-elle, et d'affirmer : «certaines se sont ‘'spécialisées'' dans le livre historique (témoignage, essais) et le livre scolaire. D'autres dans la littérature. D'autres encore dans le beau et la BD. Il y en a qui ont tenté le livre de jeunesse. Disons que chaque maison d'édition, avec le temps, est en train de délimiter de plus en plus nettement son champ d'intervention.» Et de conclure : «encore une fois, cependant, il est trop tôt. En outre, je le répète, il ne peut s'agir d'un processus isolé : spécialisation rime avec professionnalisation. C'est tout le champ éditorial qui doit se professionnaliser : la presse, les prix, les salons du livre, les critiques littéraires, la radio, etc. autant d'acteurs et de rituels qui contribuent à cette dynamique de spécialisation.» Aujourd'hui, les maisons d'édition, et ce, contrairement à ce qu'elles étaient il y a une décennie ou vingt-ans déjà, se cherchent et, dans cette quête éditoriale, il y a le souci de structurer la profession et de l'inscrire dans un professionnalisme certain et rentable.