Fondateur et patron de Cirta-Sport, une entreprise de confection de vêtements sportifs, Lyès Slimani n?a pas attendu le nombre des années pour se révéler dans le monde impitoyable des affaires. En effet, c?est à vingt ans qu?il a démarré sa société et, très vite, il a su imposer ses maillots au point de devenir l?équimentier de l?EN et de plus de la moitié des clubs de l?élite, et non des moindres (comme la JSK, le MCA et le CRB). Mais aujourd?hui, bien que son produit soit toujours apprécié (et parfois contrefait), ce jeune entrepreneur tire la sonnette d?alarme, estimant que la contrefaçon et la concurrence déloyale sont en train de «tuer» la production nationale. Portrait en clair d?un homme en colère. InfoSoir : Comment est née Cirta-Sport ? L. Slimani : Il faut d?abord que je vous dise que je suis issu d?une famille qui a toujours, et depuis très longtemps, travaillé dans le textile. Puis, c?est mon cousin, magasinier de l?Equipe nationale de football, qui m?a donné l?idée de créer une entreprise de fabrication d?articles de sport, en particulier le textile sportif. Je l?ai fait en 1989. Cirta est le nom antique de Constantine. Etes-vous originaire de la ville des Ponts ? Non, pas du tout. Effectivement beaucoup de gens ont cru que cette entreprise avait une relation avec Constantine, mais en fait j?ai choisi le nom de Cirta tout simplement parce que j?ai vécu mon enfance dans une ruelle du quartier d?Hydra, à Alger, qui portait le nom de Cirta. Vous aviez à peine vingt ans quand vous avez créé Cirta-Sport. N?était-ce pas risqué ? Oui, j?étais très jeune et je fréquentais encore le lycée sportif Amara-Rachid où le surveillant général était Abdelkrim Khalef, le frère de Mahieddine, l?ex-coach bien connu de l?EN. Puis j?ai abandonné les études et je me suis lancé dans l?aventure commerciale. C?est vrai que c?était risqué, mais quand on a vingt ans, on n?a peur de rien. Mais il faut dire que je me lançais dans un domaine que toute la famille maîtrisait de père en fils. Puis vous êtes devenu l?équipementier de plusieurs clubs... J?ai d?abord tenté une première expérience avec l?USMA, en 1988, lors de la finale de la Coupe d?Algérie contre le CRB. Ensuite, j?ai pris un peu de recul, et j?ai équipé l?Equipe nationale quand elle était drivée par Abderahmane Mehdaoui, au début de l?année 1997. Est-ce Mehdaoui qui a établi les contacts avec vous ? Non. En fait, le contact existait entre la FAF et moi depuis 1990. Lors du sacre de la sélection nationale à Alger en Coupe d?Afrique des nations, on avait fait appel à moi pour imprimer le nom de l?Algérie en arabe sur les maillots des joueurs. Mais pourquoi ne portaient-ils pas les maillots de Cirta-Sport ? Parce que je ne suis pas du genre à imposer mes produits. A l?époque, je ne me voyais pas obliger des stars telles que Madjer ou Belloumi à revêtir des maillots que je fabriquais. Puis, en 1996, Salah Boutadjine de la FAF, qui était à la recherche d?un jeu de maillots pour l?EN, s?était vu imposer la remise d?un chèque certifié par un importateur que je connaissais bien. Quand ce dernier m?a fait part de cette demande, je lui avais répondu qu?il n?aurait pas dû exiger cela à notre sélection. J?ai alors ouvert mes ateliers de confection à Boutadjine et je lui lui ai offert gracieusement ce qu?il voulait. Mehdaoui a apprécié la qualité de mes maillots et quelques jours après, j?ai été convoqué et c?est ainsi que je suis devenu l?équipementier de l?EN, une collaboration qui a duré plusieurs années. Et aujourd?hui, a-t-elle cessé ? Elle a cessé récemment, mais il faut savoir que j?ai équipé l?EN pendant près de six années et sous le règne de sept présidents de la FAF. C?était sous forme d?accords moraux et lors des différentes Coupes d?Afrique on signait des contrats de deux mois. Ce partenariat avec l?EN vous a-t-il permis une ouverture vers les clubs de l?élite ? C?est vrai, comme la sélection avait mon maillot, il est évident que les clubs le voulaient aussi. J?ai commencé avec le MCA en 1999, l?année du titre, puis j?ai équipé le CRB pendant les deux années consécutives où ce club a été sacré champion, ensuite, ce fut au tour de la JSK pendant ses trois campagnes victorieuses en coupe de la FAF. Vous êtes devenu une sorte de porte-bonheur des clubs? C?est peut-être une coïncidence, mais ceux qui ont opté pour le maillot confectionné par Cirta-Sport ont été couronnés par un titre. Ensuite, j?en suis arrivé à équiper la moitié des clubs de l?élite. Mais ma plus grande fierté est d?avoir eu le privilège d?équiper la sélection nationale lors du match historique France-Algérie. D?ailleurs, à l?époque Rabah Madjer, alors entraîneur national, avait apprécié le produit Cirta-Sport et m?avait fait confiance. Ce jour-là, il y a eu l?échange traditionnel de maillots entre les joueurs français et algériens et cela m?a fait plaisir de savoir que les champions du monde possédaient mon maillot dans leur collection. Donc, même Zidane a un maillot Cirta ? Oui, il n?en possède pas un seul, mais plusieurs puisqu?il a demandé pas moins de trois maillots de la JSK que les dirigeants du club lui ont fait parvenir. Peut-on dire que Cirta- Sport est une entreprise prospère ? Non, justement. Je dirais même qu?elle est en train de signer son arrêt de mort en raison de la concurrence déloyale et de la contrefaçon. C?est-à-dire ? Je vais vous donner un exemple. Cette saison, j?équipe l?ES Sétif. Je leur ai livré une certaine quantité de maillots pour leurs besoins. Mais dans le même temps, et dans la même ville, des fabricants «pirates» copient mes maillots et les vendent à bas prix. Il n?y a aucun contrôle et encore moins de sanctions alors que cela me pénalise lourdement. L?arrivée des grandes marques constitue-t-elle une concurrence à laquelle vous n?avez pas pu vous adapter ? Non, pas du tout. Les grandes marques ne me gênent pas, bien au contraire. Ce sont des standings qui apportent de la qualité. Moi, je dis que le marché algérien s?est ouvert sans aucune protection de la production nationale qui fait tout de même vivre le pays en créant des emplois. Moi, je ne peux pas m?adapter à la concurrence déloyale. Mais le protectionnisme est impossible avec l?adhésion de l?Algérie à l?OMC? Il ne s?agit pas de protectionnisme, mais de l?intérêt du pays. Dès que de jeunes entrepreneurs algériens prennent des risques et parviennent à émerger, on les casse en autorisant des importations anarchiques et à bas prix. Et puis, qu?on ouvre le marché, soit, mais qu?on fasse la chasse à la contrefaçon. Pour la première fois depuis quelques années, l?EN a été équipée par le Coq sportif lors de la dernière CAN et non pas par Cirta-Sport. Quelle est votre opinion ? Moi je dis que peut-être que la FAF a eu raison et a réalisé une bonne affaire sur un plan purement commercial. Toutefois, j?aurais souhaité que la FAF fasse confiance à un producteur national. Comme Cirta-Sport par exemple ? Non, je ne dis pas que ce soit moi, mais pourquoi pas un autre algérien ? L?Equipe nationale est la vitrine du pays et elle aurait pu jouer le rôle de promoteur du produit national. Mais la Tunisie, le Maroc et l?Egypte étaient équipés par des marques étrangères? Ce n?est pas la même chose, car les Tunisiens et les Marocains n?ont jamais été équipés autrement que par des marques internationales. Allez-vous faire du forcing pour équiper à nouveau l?EN ? Non, dans les conditions actuelles de concurrence déloyale et de contrefaçon, je suis plutôt tenté de travailler au noir. Parmi les sept présidents de la FAF que vous avez connus, quel est celui qui vous a le plus marqué ? C?est Mohamed Raouraoua pour la simple raison qu?il communique très bien. Quel est le joueur que vous auriez aimé équiper ? Rachid Mekhloufi. Il est d?une génération de brillants joueurs que vous n?avez pas connus? Oui, mais lors d?un jubilé, je l?ai vu à l??uvre et j?ai été enthousiasmé par son talent, malgré son âge. Avez-vous été sportif vous- même ? Oui, j?ai joué à Hydra jusqu?à la catégorie «juniors», ensuite je me suis lancé dans la confection sportive. Est-ce votre passé de sportif qui vous a permis de concevoir des maillots qui ont bien marché ? Peut-être, mais je crois que j?ai réussi à confectionner des maillots appréciés du fait que je me suis inspiré de ce qui se faisait de meilleur dans le monde grâce à mes nombreux voyages. Express - Cirta-Sport ? J?espère qu?elle ne mourra pas - Hannachi ? Un grand président de club - Serrar ? Il sait faire de bons gestes - La JSK ? De très bons moments - Le CRB ? J?ai eu de bonnes relations professionnelles - Mekhloufi ? Mon idole - Zidane ? Un bel espoir - Mahieddine Khalef ? Le maître - Raul ? Un buteur né - Le MCA ? Mon club favori