Le ramadan tire à sa fin et les gens se préparent à fêter l'aïd el-fitr : la fête de la rupture du jeûne. A Tlemcen, à cette époque, on préparait la mchehda : un gâteau feuilleté, cuit dans du beurre et trempé dans du miel. On invitait les parents proches et les amis et on le partageait dans la joie. «Ma tante, lui dit Ibn Ma'ra', je voudrais inviter quelqu'un pour la mchehda de demain !» La tante sourit : «tu peux inviter qui tu veux, mon fils ; je préparerai un gâteau succulent !» Ibn Ma'ra' insiste : «Tu es sûre que je peux inviter qui je veux ?» La tante s'exclame : «Bien sûr, puisque je te le dis ! Mais, dis-moi, qui veux-tu inviter ?»… Il hésite puis il dit : «Je veux inviter Choudhi, le marchand de bonbons, cet excentrique dont nous avons parlé l'autre jour.» Il s'attend à ce que sa tante proteste ou même se mette en colère, mais elle sourit. «et pourquoi pas ? Lui aussi est un musulman, je suppose que personne ne va l'inviter à partager la mchehda ! Invite-le, c'est un jour de fête, il se réjouira avec nous !» Cette réponse satisfait le théologien andalou. Il sait que sa tante est une femme pieuse et qu'elle ne refusera pas d'apporter un peu de joie à un pauvre homme, même si, par ailleurs, elle pense que c'est un fou !