Nous sommes dans la ville du Cap, en Afrique du Sud, au mois de juin 1980. C'est la saison hivernale là-bas, donc le temps est agréable. Un taxi s'arrête devant l'Institut d'études agronomiques de la province du Cap. Une jeune femme à l'élégance discrète paye la course et se dirige vers l'entrée principale de l'Institut. Arrivée à l'accueil, elle se présente : — Je suis le professeur Myra Sohnberg de l'Université de Johannesburg. J'aimerais rencontrer les personnes qui travaillent sur les araignées venimeuses de la région. L'hôtesse consulte son listing et annonce — Il s'agit des docteurs Babbing et Monroe. Mais aujourd'hui, seul le docteur Monroe est présent. Je vais lui faire part de votre arrivée. Quelques instants plus tard, le docteur Monroe est tout heureux d'accueillir le professeur Sohnberg. Cela fait une petite distraction dans le train-train quotidien du laboratoire et du vivarium. D'autant plus que le professeur Sohnberg, malgré ses lunettes de soleil, est une fort jolie femme, aux formes appétissantes. Jolie ou pas elle va directement au cœur du sujet — Je suis attachée au laboratoire de pharmacologie de l'Université de Johannesburg et je travaille actuellement sur la mise au point d'un antidote contre les piqûres de l'araignée bouton... Lostrodetus indistinctus, comme vous savez. — Et que puis-je pour vous ? — Comme le Lostrodetus indistinctus vit uniquement dans la — région du Cap, je me suis demandé si vous en posséderiez quelques exemplaires vivants pour récupérer le venin. Faute de quoi, nos recherches restent un peu théoriques. — Mais absolument. Vous aimeriez nous en emprunter ? — C'est cela même. Le temps de procéder aux prélèvements. — Vous tombez bien, nous avons fait une récolte intéressante. Je pourrais vous confier deux femelles et un mâle. Pour quelques semaines. Cela vous convient-il ? Le professeur Myra Sohnberg est d'accord. On remplit les bordereaux de formalités administratives, et la jolie spécialiste en contrepoison repart immédiatement pour Johannesburg, après avoir aimablement refusé de dîner avec le docteur Monroe. Elle emporte trois bestioles dont la piqûre est mortelle. Chacune est bien enfermée dans un emballage de sécurité. «Quelques mois plus tard le docteur Monroe regrettera d'avoir consenti ce prêt d'araignées venimeuses à une jolie femme..., comment aurait-il pu connaître les détails d'une histoire qui a débuté six ans plus tôt ? Nous sommes au mois de juin 1974, dans la ferme des Warringer. Ce soir c'est la fête : une fête gigantesque à la mode sud-africaine. Tous les voisins, tous les amis, tous les parents sont là. Certains ont fait plusieurs centaines de kilomètres pour participer à l'événement. Sur le terrain d'atterrissage privé plusieurs pipers ont transporté des invités. Que fête-t-on ? Les 22 ans de la fille aînée des Warringer. Clarissa est une belle brune, mince, élégante. Elle est heureuse car dans quelque temps elle espère bien une autre fête à ses fiançailles. Pour l'instant, ce n'est qu'un projet. Mais Clarissa et le bel Emil Duhamel enchaînent toutes les danses, des plus endiablées aux plus langoureuses. Emil est tout juste sorti de l'école d'agriculture de Durban avec un diplôme d'ingénieur. Emil est beau, sportif, diplômé, mais peu argenté. Il faudrait qu'il trouve une héritière bien dotée, et si possible propriétaire de quelques centaines d'hectares... C'est justement le cas de Clarissa dont les parents sont vraiment à l'aise. — Ça ne va pas, Tessa ? Tu en fais une tête, ma chérie ! Tu as l'air contrariée. — Mais non, maman, ce n'est rien. J'ai un peu le blues. C'est normal : je me demande si un jour moi aussi je vais être à la place de Clarissa... — Tu as toujours un peu jalousé ta sœur, mais là tu exagères, tu ne crois pas, ma chère tête folle ? (à suivre...)