Constat n Souvent, les romans font l'objet d'une adaptation scénique, mais rares sont les poèmes mis en espace. «L'expérience de la poésie théâtralisée est à ses balbutiements», souligne Haïdar Ben Hocine, un jeune metteur en scène. «Il y a eu, avant, des mises en espace ; il y avait un travail de montages poétiques qui se faisait, il y avait de la poésie qui se jouait sur les planches, mais actuellement la chose est rare.» Ce metteur en scène, qui a à son actif quelques montages poétiques, estime que cette situation s'explique par «un manque d'intérêt. Il y a aussi que ce genre de pratique ne fait pas partie des priorités ou des engagements des metteurs en scène». «Les arts se complètent les uns les autres», selon Haïdar Ben Hocine qui n'oublie pas de rappeler que le théâtre est à l'origine poésie, explique qu'un montage poétique consiste «à donner vie à des situations dramatiques sur la base de faits psychologiques». Haïdar Ben Hocine, qui éprouve un plaisir à monter ce genre de spectacle, trouve dans cette pratique une manière d'improviser une spatialité avec laquelle il entretient une relation créative. A la question de savoir s'il y a une différence entre monter un texte et un poème, Haïdar Ben Hocine répondra : «Bien sûr qu'il y a une différence. La charge de travail est différente car, à la base, adapter un poème relève directement d'un travail d'imagination et il est, en conséquence, l'illustration d'une sensibilité. Il y a aussi une différence de techniques de mise en scène et d'approches de l'espace scénique. La manière est donc différente, l'expérience aussi.» Une performance théâtrale est une série d'événements et une succession de situations dramatiques à part entière. «C'est une série de personnages bien précis et définis, alors que la poésie est un moment d'abstraction. La situation dramatique est imprécise, voire évanescente.» La différence réside dans le travail de sensibilité, dans le choix esthétique. Toutefois, la finalité est la même : proposer un spectacle. «Quand il y a la notion de spectacle, les personnages se rencontrent et se croisent, c'est pratiquement le même travail, car la finalité est de proposer et d'offrir un spectacle», dit-il, et d'enchaîner : «Quand il y a un espace en face, des personnages qui se rencontrent et qu'il se passe des choses entre eux, cela suffit à créer un spectacle et la notion du spectacle s'enclenche.» Autrement dit, dès qu'il y a une action et une réaction, il y a notion de spectacle, sauf que l'intensité diffère. l Haïdar Ben Hocine explique que lorsqu'il monte un poème, il ne le monte pas nécessairement en entier. «J'ai l'habitude et tendance à retravailler le texte», explique-t-il, précisant : «Je décompartimente et recompartimente les différentes parties du texte, cela me permet de savoir ce que pense l'auteur, pour partager ses inquiétudes et ses interrogations. En jouant avec – ou sur – le texte, cela me permet de l'explorer en profondeur, de découvrir plus.» Et d'expliquer : «Ce n'est pas pour y apporter ma touche, c'est plutôt pour savoir, comprendre. Je propose, je questionne ; si je déstructure le texte, c'est seulement – et simplement – pour le comprendre et, du coup, pour me comprendre plus à travers ce dernier. Et dès que j'ai une vérité, je cours la proposer et la partager avec le public. Il y a aussi un choix esthétique.» C'est ainsi que le texte retravaillé devient une création : «L'intérêt est de recomposer le texte dont resurgit une sensibilité qui s'enclenche elle-même : je questionne, par le biais de la mise en scène, les personnages, la scénographie… C'est un travail de recherche.» A la question de savoir si un poème est un objet théâtral, Haïdar répond : «Lorsque le poème s'emploie sur les planches, il devient une partie du théâtre. Il ne perd pas de sa poétique, il y va de la sensibilité et de l'imagination et la technicité de celui qui le monte.» Cela revient à dire que la poésie comporte une part de dramaturgie, et elle est transmise par la parole, l'acte, l'action physique, le décor…