Les années passent et Sidi Ali gagne chaque jour un peu plus le cœur des Kabyles. Tout le monde le respecte et écoute ses avis éclairés, tout autant que ceux de cheikh M'hammed, le chef de la zaouïa locale. Lui donne toujours le bon exemple, en respectant scrupuleusement les règles de la religion, en se montrant bienveillant et généreux avec son prochain, en ayant surtout des mœurs irréprochables. On venait même, des autres villages, pour le consulter. Les gens avaient senti qu'il n'était pas seulement savant mais qu'il avait l'aura des saints. Voilà dans quelles conditions Sidi Ali a accompli son premier prodige, un prodige qui devait établir sa réputation dans toute la Kabylie et lui valoir le surnom de sidi Ali N'founas, (Sidi Ali de la vache). Un jour, le village dont dépend la zaouïa où vit Sidi Ali, décide de faire une timechret ou, comme on dit également, en Kabylie, une uzi'â : on cotise pour acheter un bœuf ou une vache, ou même des moutons, on les égorge et on divise la viande, en parts égales, à tous les villages. On honore les saints et, en même temps, on donne aux plus pauvres l'occasion de manger de la viande. La djemaâ, après avoir décrété la uzi'â, collecte l'argent – les riches donnent toujours la plus grande part, les démunis ne donnant rien.