Constat n La génération gnawie s'est donné, l'instant d'un festival international, celui de la musique diwan, rendez-vous, chaque soir, au théâtre de verdure du Bois des Arcades (Riad-el-Feth). Ce festival – du 15 au 20 juillet – a démontré l'intérêt porté par la jeune génération à ce genre musical : il y a effectivement un engouement croissant, et ce, depuis une dizaine d'années, pour le gnawi. C'est ainsi que de jeunes formations s'y adonnent. Le gnawi n'est plus ce patrimoine caractéristique d'une région spécifique. Ce genre devient en effet un style musical pratiqué çà et là à travers le pays par des jeunes qui n'hésitent pas à s'afficher comme des adeptes de gnawi, c'est-à-dire à se mettre carrément aux couleurs du diwan : chèche, tunique, djellaba et autres spécificités – ou accessoires – de la culture diwan. Et donc ils s'identifient à cette musique authentiquement africaine qui renvoie, en partie, à leurs origines. Il se trouve cependant que certains ont carrément versé dans une sorte d'exotisme, tombant ainsi dans le cliché – une image réductrice du gnawi qu'ils véhiculent. Car l'on assiste effectivement depuis une dizaine d'années à une mode. «Il y a effectivement une mode gnawie», ne cessent de constater les professionnels, regrettant ainsi que «ces jeunes s'emploient à faire un mélange et des fusions tout en s'écartant de la tradition et en altérant aussi bien son esprit que son âme.» Cet effet de mode crée en conséquence cette «attitude gnawie», alors que celui-ci est une musique profondément historique et porteuse de mysticisme et d'humilité. «On ne peut pas s'improviser maâlam juste parce qu'on jongle avec des sonorités gnawies, ou bien prétendre être garant ou dépositaire de cette tradition musicale», relèvent-ils, et d'expliquer : «Parce qu'il faut s'être initié au diwan, il faut l'avoir appris et assimilé dans ses moindres sonorités et codes.» Cela revient à dire qu'il faut savoir l'interpréter. Car le diwan est avant tout une histoire, une tradition, un rituel. Cet apprentissage se fait d'abord par la maîtrise de l'instrument de base du gnawi qu'est le gumbri – un instrument à cordes. Il y a toutefois de jeunes formations qui, par leur abnégation, leur sincérité artistique et aussi leur respect pour ce patrimoine ancestral, ont su récupérer le gnawi et le retravailler ou encore le réinterpréter d'une manière créative sans pour autant altérer son authenticité. C'est le cas d'ailleurs de Ouled Haussa – cette formation, lauréate du premier prix du dernier Festival national de gnawi, entamera au mois de septembre l'enregistrement d'un nouvel album – qui s'emploie à rester fidèle à l'esprit gnawa, c'est-à-dire sans instruments modernes, juste du karkabou, gumbri et autres percussions qui suffisent à créer l'ambiance typique du diwan. Cette formation (comme d'autres d'ailleurs) fait preuve de respect et de sincérité artistique envers le diwan. Car l'on assiste aujourd'hui à une sorte de mélange à tout venant de sonorités. De jeunes, se disant adeptes du gnawi, font plutôt du collage. Ils appellent cela fusion. Néanmoins, il ne suffit pas d'associer le gnawi à d'autres sons – ou instruments étrangers au diwan – même si cela semble être intéressant. Mais il faut avoir l'aptitude pour le faire. Autrement dit, il faut savoir, et ce, par expérience, créer des sons et allier l'élément traditionnel à l'innovation moderne. Il faut avoir aussi la conviction, l'humilité et une profonde honnêteté artistique.