l «Nous n'irons nulle part. Mourons ici, s'il le faut. Nous n'avons rien à perdre, nous avons déjà tout perdu.» Ce cri de désespoir d'un père de famille résume toute la détresse de ces dizaines de familles venues de Constantine après avoir été mises à la rue et qui n'ont aucun autre recours qu'un sit-in de protestation à la gare routière d'Alger pour se faire entendre. «Le dossier est clos. C'est là l'unique réponse donnée par les autorités de notre wilaya», nous a déclaré ce matin, M. Saâdoune, porte-parole de la centaine de familles constantinoises qui observent un sit-in depuis une semaine à la gare routière d'Alger. Les contestataires viennent du quartier Romania, sis à la wilaya de Constantine. Leurs maisons étant démolies, le wali ayant clos le dossier sans trouver de solution à leur cas, ils ont décidé de rejoindre la capitale dans l'espoir de trouver un secours auprès des hautes instances de l'Etat. «Nous avons été reçus par le ministère de l'Intérieur et par la présidence. Ils ont établi une liste mais aucune réponse ne nous est parvenue pour l'instant», précise M. Saâdoune. Le quartier où habitaient ces familles a été démoli dans le cadre de la réalisation d'un viaduc. 1 500 maisons au total ont ainsi été démolies. Mais 150 familles n'ont pas été relogées, selon les contestataires que nous avons approchés ce matin au Caroubier. «C'est le 6 avril vers 20h que les concernés par l'opération de relogement ont reçu les convocations les informant de la démolition de leurs maisons. Nous n'avons pas été informés pour notre part», nous raconte une mère de famille. A la question de savoir pour quelles raisons ils ont quitté leurs domiciles sans être assurés d'être indemnisés par la suite, notre interlocutrice a répondu : «Nous n'avons pas été avertis de la démolition de nos maisons. Nous n'avions, cependant, pas le choix parce qu'on nous a sortis de force en même temps que nos maisons tombaient en ruine. Même nos affaires ont été jetées à la fourrière.» Ces citoyens, qui se sont retrouvés en l'espace d'un instant dehors sans abri, attestent qu'ils disposent d'un certificat de propriété de leurs habitations. Et de ce fait, ils ouvrent droit à l'indemnisation tout comme leurs voisins. Ils n'habitaient pas dans des bidonvilles mais dans une cité héritée de l'époque coloniale. Certains d'entre eux affirment que leurs papiers de résidence ont servi à faire profiter des «intrus». C'est la cinquième fois que ces familles viennent réclamer leur droit à l'indemnisation à Alger. Repartir à Constantine ou rester, les avis des contestataires divergent. «Partons ! Regardez-moi cette vieille dame malade. Elle risque de mourir d'un moment à l'autre. Nous ne pouvons rester dans cette situation», crie une dame à bout de nerfs. Un autre réplique : «Nous n'irons nulle part. Mourons ici, s'il le faut. Nous n'avons rien à perdre. Nous avons déjà tout perdu.»