Résumé de la 6e partie n Charmant comprend qu'il a été trahi. Et quand Soussio lui parle d'épouser sa filleule Truitonne, il réplique : «Quand vous me lapiderez, quand vous m'écorcherez, je ne serai point à une autre qu'à Florine… Le roi, qui avait gardé un profond silence, s'écria tout d'un coup : «Faites de moi tout ce que vous voudrez, pourvu que je sois délivré de cette maussade. — Maussade vous-même, dit Truitonne en colère : je vous trouve un plaisant roitelet, avec votre équipage marécageux, de venir jusqu'en mon pays pour me dire des injures et manquer à votre parole : si vous aviez quatre deniers d'honneur en useriez-vous ainsi ? — Voilà des reproches touchants, dit le roi d'un ton railleur. Voyez-vous qu'on a tort de ne pas prendre une aussi belle personne pour sa femme ! — Non, non ! Elle ne le sera pas ! s'écria Soussio en colère. Tu n'as qu'à t'envoler par cette fenêtre si tu veux car tu seras sept ans Oiseau Bleu.» En même temps, le roi change de figure : ses bras se couvrent de plumes et forment des ailes ; ses jambes et ses pieds deviennent noirs et menus ; il lui croît des ongles crochus ; son corps s'aplatisses, il est tout garni de longues plumes fines et mêlées de bleu céleste ; ses yeux s'arrondissent et brillent comme des soleils ; son nez n'est plus qu'un bec d'ivoire ; il s'élève sur sa tête une aigrette blanche, qui forme une couronne ; il chante à ravir, et parle de même. En cet état, il jette un cri douloureux de se voir ainsi métamorphosé et s'envole à tire-d'aile pour fuir le funeste palais de Soussio. Dans la mélancolie qui l'accable, il voltige de branche en branche, et ne choisit que les arbres consacrés à l'amour ou à la tristesse, tantôt sur les myrtes, tantôt sur les cyprès ; il chante des airs pitoyables où il déplore sa méchante fortune et celle de Florine. «En quel lieu ses ennemis l'ont-ils cachée ? disait-il. Qu'est devenue cette belle victime ? La barbarie de la reine la laisse-t-elle encore respirer ? Où la chercherai-je ? Suis-je condamné à passer sept ans sans elle ? Peut-être que pendant ce temps on la mariera et que je perdrai pour jamais l'espérance qui soutient ma vie.» Ces différentes pensées affligeaient l'Oiseau Bleu à tel point qu'il voulait se laisser mourir. D'un autre côté, la fée Soussio renvoya Truitonne à la reine, qui était bien inquiète et voulait savoir comment les noces se seraient passées. Mais quand elle vit sa fille et qu'elle lui raconta tout ce qui venait d'arriver, elle se mit dans une colère terrible dont le contrecoup retomba sur la pauvre Florine. «Il faut, dit-elle, qu'elle se repente plus d'une fois d'avoir su plaire à Charmant.» Elle monta dans la tour avec Truitonne, qu'elle avait parée de ses plus riches habits : elle portait une couronne de diamants sur sa tête, et trois filles des plus riches barons de l'Etat tenaient la queue de son manteau royal ; elle avait au pouce l'anneau du roi Charmant que Florine remarqua le jour qu'ils parlèrent ensemble. Elle fut étrangement surprise de voir Truitonne dans un si pompeux appareil. «Voilà ma fille qui vient vous apporter des présents de sa noce, dit la reine : le roi Charmant l'a épousée; il l'aime à la folie ; il n'a jamais été de gens plus satisfaits.» Aussitôt, on étale devant la princesse des étoffes d'or et d'argent, des pierreries, des dentelles, des rubans, qui étaient dans de grandes corbeilles de filigrane d'or. En lui présentant toutes ces choses, Truitonne ne manquait pas de faire briller l'anneau du roi, de sorte que la princesse Florine ne pouvait plus douter de son malheur. (à suivre...)