Engouement n La fidélité des jeûneurs batnéens à la traditionnelle chorba frik et au pain traditionnel fait maison (kesra khmira) est soumise à rude épreuve, ces dernières années, en raison de «l'immixtion» de la doubara biskria dans le menu de rupture de jeûne. Mohamed assure préférer ce mets parce que, dit-il, l'ensemble de ses ingrédients, hormis les pois chiches et les fèves, ne subissent aucune forme de cuisson. Attendant patiemment son tour devant un des restaurants du centre-ville pour emporter la doubara du jour, cet enseignant du cycle moyen affirme que son histoire avec ce plat remonte à plusieurs années : «Je l'ai découvert durant une journée glaciale de l'hiver. Depuis, c'est mon entrée sacro-sainte à chaque f'tour.» Rencontré à la sortie d'une boutique du centre-ville, Saïd, un retraité, dit, de son côté, acheter ce plat à la demande de sa femme et de ses enfants qui le prennent souvent après la prière des tarawih. Contrairement aux autres restaurants qui ferment durant le Ramadan, ceux spécialisés dans la préparation de la doubara ne chôment guère durant ce mois. Tenant l'un de ces restaurants, Abdelhakim Saoudi relève que la demande sur cette soupe atteint son pic durant les ultimes journées de Ramadhan avec l'apparition d'une nouvelle catégorie de consommateurs mue par le souci d'introduire un brin de changement dans leurs menus. Abdelhakim a hérité ce métier de son père, aâmmi Salah Essoufi, qui avait commencé dans les années 1950 à vendre de la soupe aux fèves au niveau du marché couvert du centre-ville. Pour ce jeune restaurateur, la demande sur la doubara ne s'interrompe jamais le long de l'année, mais augmente nettement durant la saison froide. Cette augmentation s'explique, assure-t-il, par la présence parmi les ingrédients de cette soupe d'un peu plus de 15 épices en plus de l'oignon et l'ail qui favorisent, soutient-il, la résistance à la grippe. Durant le Ramadan, les odeurs savoureuses dégagées par les restaurants spécialisés dans la doubara ne laissent pas indifférents, affirme Abdelhakim qui assure traiter chaque jour les commandes de 150 à 200 clients, dont certains viennent de Constantine et Sétif. «La demande est parfois telle que tout ce que l'on prépare suffit juste à satisfaire les commandes reçues à l'avance», dit-t-il. Pour ne pas risquer de louper leur succulente soupe, les passionnés de la doubara n'hésitent pas à l'acheter bien avant midi. Pour eux, rien n'égale la saveur singulière que confère à cette soupe ce savant mélange d'épices, de coriandre, de tranches de citron et d'huile d'olive. La chorba n'a qu'à bien se tenir…