Résumé de la 23e partie n Les mots-clefs étaient dans l'ordre, mais dans la boutique Carmichaël découvre que l'homme n'était pas celui qu'il comptait rencontrer… II y avait là, entassées sur des rayons, des marchandises fort diverses et aussi, presque à l'entrée, une table basse sur laquelle se trouvait soigneusement plié un ferwah blanc. Carmichaël le souleva. II trouva là ce qu'il espérait : des vêtements européens. Un complet de bonne qualité, dans la poche duquel il y avait de l'argent et des papiers. Un Arabe anonyme était entré dans la boutique. Celui qui en sortirait serait Mr Walter Williams de la maison «Cross and C°, Importateurs et agents maritimes», un homme d'affaires dont les rendez-vous étaient pris depuis longtemps. Naturellement, il existait un Mr Walter Williams parfaitement authentique, et c'était un commerçant digne et considéré. Tout allait bien ! Carmichaël respira et se mit à déboutonner sa vieille vareuse d'uniforme. Si, pour se débarrasser de lui, ses ennemis avaient choisi le revolver, Carmichaël aurait disparu de la scène à ce moment-là. Or, ils avaient préféré le poignard, lequel a l'avantage de ne point faire de bruit. C'était une longue lame courbe et celui qui la tenait était caché par un rideau de vêtements, accrochés dans la boutique. Carmichaël aperçut l'arme, non point directement, mais son image, reflétée sur la paroi bien polie d'un gros vase de cuivre posé sur un rayon. Une seconde encore et elle s'enfoncerait entre ses épaules... Carmichaël se retourna brusquement, saisit l'homme par le poignet et le jeta sur le sol. Le poignard glissa sous un meuble. Abandonnant son adversaire, Carmichaël fonça vers la boutique qu'il traversa en courant. Sous les yeux étonnés du hadji et du marchand, probablement déçu, il franchit la khan à grandes enjambées pour se retrouver bientôt dans la cohue des souks, où il se mit à flâner de la façon la plus naturelle. Il s'arrêtait de temps en temps pour examiner un tissu ou un service à café, mais son cerveau travaillait ferme. La belle mécanique s'était détraquée. Une foie encore, il se trouvait seul, en pays hostile. La leçon à tirer des minutes qu'il venait de vivre ne lui échappait pas. Les ennemis qu'il devait craindre, ce n'étaient pas seulement ceux qui le poursuivaient mais d'autres, plus redoutables peut-être, ceux qui avaient livré les mots de passe et organisé contre lui une attaque qui devait logiquement être la dernière puisqu'elle le surprenait au moment même où il avait les meilleures raisons de se croire en parfaite sécurité. S'agissait-il d'agents étrangers ayant réussi à se glisser dans les services anglais ou de malheureux qui s'étaient laissé acheter avec de l'argent ou autrement ? La chose était d'importance secondaire. Le résultat seul comptait : il était seul, sans argent, découvert et dépourvu de tous les moyens qui lui eussent permis de changer de personnalité. De surcroît suivi, vraisemblablement. (à suivre...)