InfoSoir : Quel bilan faites-vous, 18 ans après l'ouverture du premier village d'enfants en Algérie ? Ruot Gérard Aïssa : Il y a d'abord le bilan des enfants qui sont pris en charge. Ici, comme au sein d'une famille biologique, on ne peut pas toujours réussir à 100%, car nous sommes tout simplement des êtres humains qui essaient de prendre en charge des enfants le mieux possible selon un concept. Cette année, nous avons 100% de réussite au bac, 100% à l'examen de sixième et 75% au BEM. Ce sont de bons résultats, pas pour nous, mais pour les enfants. Nous avons aussi des enfants qui ne poursuivent pas leurs études et qui font des formations professionnelles, et là aussi ils ont réussi à 100% cette année. Nous avons également des jeunes qui deviennent autonomes, se marient et ont des enfants. C'est le bilan positif de la continuité de notre prise en charge. Le deuxième grand résultat, c'est le fait d'avoir convaincu l'Etat algérien avec le modèle SOS villages d'enfants. C'est une grande victoire ! Quelles sont vos principales sources de financement ? C'est d'abord et avant tout la société civile. L'Algérie est le seul pays en Afrique où nous recueillons plus de 60% de notre budget de fonctionnement parmi nos donateurs. C'est dire combien les donateurs algériens sont généreux ; ils savent aussi que leur argent est bien placé et sert à quelque chose. Les dons peuvent être en nature (18%), en recherche de fonds local (45%) et, enfin, ce qu'on appelle les parrains internationaux SOS (21%). Le complément est apporté par SOS Kinderdorf. En 2009, l'apport de l'Etat algérien ne s'élevait qu'à 0,36%, représentant les 3 000 DA que l'on donne aux enfants qui vont à l'école. Quelles sont les difficultés auxquelles vous faites face ? Aujourd'hui, nous avons ce barrage qui est devant le village, c'est une difficulté qui, j'espère, n'est que passagère. Nous avons écrit deux fois au wali qui n'a jamais répondu. Je ne sais pas s'il faut écrire une troisième fois. Quant aux grosses difficultés, ce sont celles que rencontre tout Algérien qui a un diplôme et qui est à la recherche d'un emploi et d'un logement. Nos jeunes qui n'ont pas de familles ont besoin de se loger. C'est difficile de trouver un logement à 20 000 DA ou à 12 000 DA pour un jeune qui ne gagne que 30 000 DA. C'est un problème majeur que nous sommes en train de discuter avec les autorités. Une autre petite difficulté, c'est la scolarité des enfants. Nous avons un programme de renforcement et de soutien scolaire, et tout cela est coûteux. Quels sont vos objectifs à court et à long terme ? A court terme, notre objectif est de créer un village à Oran et un autre à Annaba en 2011-2012. A long terme, nous envisageons d'implanter le concept de SOS villages d'enfants dans ce qui resterait des institutions étatiques ou éventuellement essayer de désengager l'Etat dans la prise en charge des enfants délaissés, pour que des associations algériennes formées par des organisations internationales, comme SOS Kinderdorf prennent le relais. *Représentant SOS Kinderdorf International en Algérie.