Une bonne préparation de l'attaque ne pouvait avoir lieu sans un plan tenant compte notamment des points suivants : distance entre les refuges des bellounistes dans le douar, répartition conséquente de nos effectifs et synchronisation des offensives devant être menées par tous les groupes... Nous devions également prendre en considération que nous allions nous attaquer aux bellounistes au sein d'un douar où la pénétration F.L.N. ne s'était pas encore bien faite, où nous ne possédions encore pas de commissaires politiques. Comme preuve de cela, les chiens n'y avaient pas été éliminés - comme cela était toujours le cas dans les lieux dont les habitants étaient déjà acquis à notre cause -. et ce fut grâce à leurs aboiements que notre approche avait été détectée par le gros des troupes bellounistes qui ont pu ainsi prendre la fuite. Le précautions les plus élémentaires avaient donc été négligées par Si Larbi, ce qui, de sa part, était une faute. Quoi qu'il en soit, sur le chemin du retour, je donnais un coup de main au chargeur de la mitrailleuse allemande MG 42, qui était extrêmement lourde. Profondément insatisfait du déroulement piteux de la bataille, notamment du fait de n'avoir pas pu abattre ou capturer le commandant Slimane Bouhmara, j'ai, sans m'en rendre compte, sauté un fossé, une sorte de petit ravin pas très large, alors que la MG 42 était sur mon épaule, tout en encourageant mes compagnons à accélérer la cadence «Yallah, yallah, leur disais-je, marchez, marchez.» Après avoir traversé la route nationale, nous sommes parvenus à un douar situé à environ un kilomètre, dans lequel nous avons décidé de nous reposer, le temps de reprendre des forces. Comme d'habitude les habitants nous accueillirent avec beaucoup de chaleur et de convivialité fraternelle. La vérité est que nous étions toujours traités en hôtes de marque, partout où nous arrivions. A peine pénétrions-nous dans un refuge que le café nous était servi tout brûlant avec des galettes toutes chaudes. À croire que ces gens-là ne dormaient jamais, toujours frais et dispos pour nous soutenir et nous accueillir les bras grands ouverts. J'avais trouvé refuge, avec un groupe de moudjahidine de ma section, dans la maison d'un hadj, qui était là debout, tout heureux de pouvoir nous servir et nous être utile. À côté de moi, était assis Si Hamid, de Chéraga, l'infirmier de la katiba, qui me dit de but en blanc : «Si Cherif, pourquoi as-tu donc sauté les grands fossés, alors que la mitrailleuse était sur ton épaule ? -Tu m'as donc vu sauter ? lui ai-je demandé. - Oui, me répondit-il, et je crains que tu en ressentes un grand mal. - Bah ! lui répliquai-je, je me sens très bien, et ne souffre nulle part. Après avoir remercié les habitants du douar pour la chaude hospitalité qu'ils nous avaient accordée, nous avons repris notre marche, et la fatigue commençait à se faire sentir. Craignant d'être surpris par la levée du jour avant d'avoir pu atteindre les hauteurs de Matmata et de Zemmoura, nous pressions le pas. «Allons donc, mes frères plus vite, plus vite ! », disais-je aux membres de la compagnie, qui s'étonnèrent de me voir courir de l'arrière à l'avant pour faire activer la marche. (à suivre...)