Les terribles attentats de Madrid ont créé un élan de solidarité dans toute l'Europe envers l'Espagne et contre le terrorisme, donnant l'occasion à l'UE de se ressouder après la crise ouverte en son sein par la guerre en Irak. Les dirigeants européens s'étaient déchirés l'an dernier sur le conflit en Irak : l'Espagne, la Grande-Bretagne, l'Italie et la Pologne, notamment se rangeant du côté des Etats-Unis pour le déclencher, la France, l'Allemagne ou encore la Belgique s'y opposant fermement. La guerre à peine achevée, le projet de Constitution pour la future Union européenne élargie avait cristallisé autour de lui de nouvelles divisions, l'Espagne et la Pologne se liguant de nouveau notamment contre le couple franco-allemand. La nécessaire lutte contre le terrorisme semble aujourd'hui à même de servir de nouveau ciment. ETA ou Al-Qaîda ? Sans même que soient identifiés les auteurs des tueries de Madrid, qui ont fait 200 morts selon un dernier bilan, la menace est prise au sérieux. «Nous devons être préparés à ce qu'ils (les terroristes) frappent quand ils veulent et comme ils peuvent», a mis en garde, hier, le Premier ministre britannique Tony Blair. La lutte contre le terrorisme «ne sera pas limitée aux Etats-Unis et aux pays de l'Asie (...) mais, malheureusement, ici en Europe, on va souffrir», a renchéri le haut représentant de l'UE pour la politique étrangère, Javier Solana. Il a appelé à une coopération accrue au sein de l'UE. Selon son entourage, M. Solana va d'ailleurs proposer aux Quinze de nommer prochainement un expert chargé de «coordonner» leur action antiterroriste. Le Premier ministre belge, Guy Verhofstadt, veut aller encore plus loin. Il a appelé vendredi l'UE «dans son ensemble» à réagir aux attentats de Madrid en créant un «centre de renseignement» communautaire, qui rassemblerait les différents services de renseignement, sécurité et police, y compris Europol. Ce centre «se concentrerait sur l'analyse des menaces», a-t-il suggéré. Il a réclamé un débat sur le sujet au prochain sommet européen de Bruxelles, les 25 et 26 mars. L'affaire n'est pas simple : la proposition le mois dernier du ministre autrichien de l'Intérieur, Ernst Strasser, d'une «mise en réseau des informations» entre les Etats membres au sein d'une sorte de «CIA européenne», avait été fraîchement accueillie par la présidence irlandaise de l'UE. Au-delà de la coopération en matière de sécurité, les attentats de Madrid ont donné l'occasion aux Quinze de montrer dans la rue un visage uni de l'Europe. Plusieurs dirigeants ont rejoint les 11,6 millions d'Espagnols qui ont défilé vendredi soir pour conspuer le terrorisme.