Les chefs de la diplomatie de l'UE se sont retrouvés hier à Bruxelles pour déminer le terrain à quelques heures d'un sommet extraordinaire sur l'Irak, où les dirigeants européens vont tenter de sauver la face après avoir spectaculairement étalé leurs divisions. Les partisans de la paix, emmenés par la France et l'Allemagne, sont arrivés à la rencontre confortés par les manifestations monstres de samedi dernier, qui ont rappelé la forte opposition des opinions publiques européennes à une guerre en Irak. Mais l'autre camp, conduit par la Grande-Bretagne et l'Espagne, reste déterminé dans son soutien aux Etats-Unis et estime qu'il est grand temps de sévir contre le président irakien Saddam Hussein. Les chefs d'Etat et de gouvernement devaient se retrouver à partir de 19h locales (18h GMT), en présence notamment du secrétaire général de l'Onu, Kofi Annan, et de leurs ministres respectifs des Affaires étrangères. Ces derniers ont été réunis en milieu de journée par la présidence grecque, qui cherchait à mesurer les chances de parvenir à un texte commun à l'issue du sommet. Les ministres des Affaires étrangères s'étaient déjà réunis sur l'Irak le 27 janvier à Bruxelles et étaient alors parvenus à masquer leurs désaccords grâce à une position commune minimaliste réaffirmant le rôle central de l'Onu. Mais cette unanimité de façade avait volé en éclats trois jours plus tard avec la publication de la "lettre des Huit", signée par cinq dirigeants de l'UE, dont le Britannique Tony Blair et l'Espagnol José Maria Aznar, et apportant un soutien inconditionnel au président américain George W. Bush. La présidence grecque de l'UE, qui avait vécu cette initiative comme un véritable camouflet, espérait parvenir à réaffirmer hier une position commune des Quinze sur la base de celle du 27 janvier. Les Européens pourraient sans grand problème réaffirmer ensemble la prééminence de l'Onu dans un règlement de la crise. Mais aucun terrain d'entente ne paraît possible sur les vrais enjeux diplomatiques du moment, comme l'adoption d'une seconde résolution ou l'opportunité de fixer une date-butoir aux inspections. “Il faut trouver une formule qui nous permette de passer la journée”, résumait, désabusé, un diplomate à la veille de la rencontre. “J'espère que l'Europe retrouvera sa dignité”, a déclaré de son côté la ministre luxembourgeoise des Affaires étrangères, Lydie Polfer, en arrivant à Bruxelles. Son homologue allemand, Joschka Fischer, dont le pays est le seul de l'UE à avoir exclu toute participation à un éventuel conflit en Irak, s'est dit “confiant” que les dirigeants des Quinze parviendraient à retrouver “une position commune” sur l'Irak. “Nous y parviendrons si nous respectons tous le principe de la méthode communautaire”, a-t-il déclaré à l'adresse des cinq pays (Grande-Bretagne, Espagne, Italie, Danemark et Portugal), qui ont battu en brèche la solidarité de principe que les Quinze s'étaient promis de respecter.