Après le repas, Sidi Ali, hôte de Sidi Bouzid, reprend la conversation : «Je voyage à pied, dit-il. — Une monture t'aurait été d'un grand secours, dit Sidi Bouzid. — Oui, dit Sidi Ali, mais mon mérite auprès de Dieu aurait été moindre. Chaque pas que le pèlerin effectue vers la maison de Dieu lui est compté cent fois plus que s'il l'effectuait à dos de bête ! — Tu as raison, dit Sidi Bouzid, ébloui par autant de piété, toute peine encourue pour l'amour de Dieu recevra sa récompense !» Sidi Ali se lève. «Je crois qu'il est temps que je prenne congé de toi !» Sidi Bouzid prend aussitôt un air attristé : «Déjà ! Alors seulement que nous venons de faire connaissance ! — Je dois reprendre ma route !» Mais Sidi Bouzid insiste : «Un jour de plus ou de moins... — Hélas, je voudrais rester plus longtemps... — Qu'est-ce qu'un jour de plus ou de moins...» Et il lui explique qu'ayant compris quel saint homme il était, et quel savoir il possédait, il voudrait profiter de ses lumières. «Et je voudrais aussi en faire profiter les gens de la région qui ne sont pas très savants des choses de la religion... — Mon devoir m'appelle à partir, dit Sidi Ali. — Mais ton devoir, dit Sidi Bouzid, n'est-il pas aussi de faire bénéficier tes coreligionnaires du savoir que Dieu t'a donné ? — Certes, oui...», dit Sidi Ali.