Chorégraphie n Jeudi soir, le Centre culturel français à Alger accueillait la forme d'expression artistique la moins courante en Algérie. La danse contemporaine est un courant artistique très en vogue en Occident depuis près de cinquante ans. Il est vrai que le public algérien est beaucoup plus habitué aux ballets traditionnels, voire à la danse moderne. D'ailleurs, le dernier spectacle de danse présenté à Alger se tenait au mois d'octobre, une collaboration entre le ballet de l'Onci et la compagnie Batterie danse qui nous venait des Etats-Unis. Là encore, c'était un ballet de danse moderne avec des chorégraphies représentatives. La danse contemporaine, quant à elle, se veut plus conceptuelle et plus expressive. Résultant d'abord d'une volonté de se démarquer des générations antérieures, les danseurs contemporains se sont emparés du concept et se le sont approprié, reconnaissant tacitement entre eux une manière identique d'aborder les problématiques du mouvement et du corps. C'est ce nouveau courant de la danse que le Centre culturel français mettait en avant dans ses locaux jeudi soir en invitant la compagnie Kubilaï Khan. Pour son premier voyage à Alger, la troupe présentait la pièce Espaço contratempo, une pièce pour deux danseurs et un musicien. Sur scène, Idio Chichava et Frank Micheletti sont accompagnés de Rémi Aurine-Belloc à la guitare, un musicien qui prend activement part à la chorégraphie tout en s'occupant du thème musical de la pièce. Une musique très rock très influencée par le groupe Kafka. Sur scène les danseurs présentent un concept que Frank Micheletti, directeur artistique de la compagnie, appelle «hors champ». C'est un dispositif intégrant la présence d'un musicien sur le plateau. Le «hors champ» prend corps dans un dialogue de cette matière noire et des deux corps avec les sons et ondes empruntant des tons contemporains et des improvisations. Ces corps – en réaction à un environnement rejet, absorption, interaction, modification dans un espace lui-même en mutation – se nourrissent et dialoguent avec ce qui n'est pas visible : le «hors champ». Circulation des sons et ondes sonores, ondes lumineuses, enregistrements, autant de respirations insufflant des suspensions, apnées et intervalles. Un concept intéressant, présenté de la sorte mais incompréhensible sur scène. Le spectacle était très difficile à suivre puisqu'on ne pouvait comprendre la finalité de la pièce. La majeure partie de la chorégraphie se déroulait au sol, ce qui n'a pas été du goût des spectateurs. Sans oublier que dans une salle de spectacles, l'angle de vue est très réduit pour une chorégraphie au sol. Ajoutez à cela l'espace réduit de la salle qui faisait résonner les pas des danseurs sur les planches de la scène. Autant de points négatifs qui ont poussé plusieurs spectateurs à quitter la salle bien avant la fin de la pièce. Peut-être que pour des œuvres aussi conceptuelles, une meilleure explication et plus de communication seraient de mise. C'est en 1996, à Toulon, que Frank Micheletti, comédien de formation, fonde avec d'autres artistes le collectif Kubilai Khan Investigations dans lequel il est à la fois danseur, chorégraphe et directeur artistique. La compagnie affiche une volonté de rassemblement de tous les courants de création et se constitue en «comptoir d'échanges artistiques». Danseurs, acrobates, vidéastes, photographes, musiciens y croisent leurs pratiques comme leurs origines japonaises, françaises, tchèques… Unies dans la quête d'une identité plurielle, les disciplines et les singularités de chacun composent une écriture éprise de territoires lointains.