Sous la houlette du chorégraphe français, Robert Seyfried, le ballet national des Arts et de culture prépare activement Légèrement déplacé... Rendre possible un apprentissage technique mais aussi artistique d'une pièce chorégraphique en un laps de temps court et donner enfin un travail présentable, tel est le challenge que s'est fixé le chorégraphe français, Robert Seyfried avec ses danseurs du ballet national de l'établissement Arts et culture. Or, on sait que le travail du corps demande beaucoup de temps. C'est ainsi que, quotidiennement et inlassablement, ces élèves répètent chaque pas et sauts et avec le plus de précision possible. Le chorégraphe entame aujourd'hui sa troisième semaine à Alger et compte bien présenter la pièce d'ici à la fin du mois. Intitulée Légèrement déplacé, la pièce est écrite pour sept danseurs mais «il n'est pas exclu de l'agrandir à une dizaine de personnes», affirme Robert Seyfried et de préciser : «A l'issue des répétitions, on fera une présentation ouverte mais qui ne sera pas le spectacle». Cette rencontre autour de la danse contemporaine moderne est un travail de collaboration, de «transculturalité», dit-il, puisque le ballet était au départ un ballet classique et aujourd'hui, il intègre des danseurs de hip-hop. Un travail comme il en a fait en Afrique avec des Africains du Burkina Faso, par exemple. Fort d'un Dess en anthropologie de la danse, Robert Seyfried tend à mêler dans ses travaux la création artistique pure (l'oeuvre d'un auteur) avec une culture. Aujourd'hui, la nôtre en l'occurrence. «L'idée principale de Légèrement déplacé c'est dire que le travail des choses peut être dans une visibilité assez ténue». «Parfois, l'essentiel, ce n'est pas dans ce qu'il y a le plus visible» et de confier: «Quelquefois, le public confond la danse avec la virtuosité, la technique, or pour moi, la danse c'est quelque chose qui raconte les relations, la communauté, l'individu et on utilise comme vecteur le corps et la danse pour dire cela. Le corps comme vecteur sensible et émotionnel, et cet émotionnel n'est pas toujours dans la virtuosité. Il est parfois dans des choses très simples. Mais la simplicité, c'est toujours très compliqué à mettre en jeu aussi. Le travail, même si parfois il est dans des données très tenues, il est également dans des dynamiques, dans des énergies, dans des corps qui se lancent dans l'espace, qui s'engagent. Parfois, on peut être dans des choses assez ténues ou dans des choses longues et généreuses. Et on navigue à travers ça». Robert Seyfried reviendra au mois de juin à Alger, Oran et Annaba pour présenter cette fois-ci la pièce chorégraphique qu'il a faite avec les danseurs africains. Son nom : Transpace. Le chorégraphe souhaiterait présenter Légèrement déplacé en première partie de celle-ci. «Car ce serait une articulation assez intéressante», dit-il. Et d'affirmer que tous ses spectacles sont basés sur la nature humaine, l'être humain mais ne sont jamais des formules esthétisantes. «L'esthétique paraît dans l'expression, une parole...mais jamais comme telle», et d'ajouter: «C'est jamais du joli. Je ne fais pas du beau. J'essaye de faire en sorte à ce qu'il y ait du sens dans ce travail du corps. Le plus souvent, on va chercher au niveau des archaïsmes. Le corps plus que d'autres formes artistiques aide à aller chercher tout ces sentiments enfouis dans notre passé, notre culture, notre histoire et à un moment donné, chaque geste, même s'il est très simple, est construit, nourrit de toute cette segmentation d'histoire et de vécu. A la limite, la danse contemporaine n'est pas liée à sa propre histoire. Elle s'invente. Chaque pays, chaque culture inventent sa propre danse aujourd'hui. Elle est très libre donc. C'est un endroit de liberté d'expression. On n'est pas dans des dogmes. On est dans le vivant de l'être humain, celui d'aujourd'hui». Chorégraphe aux multiples facettes, Robert Seyfried débute sa formation artistique par le théâtre qu'il découvre au collège. Plus tard, il abandonne ses études de médecine pour devenir comédien puis metteur en scène. La pièce Einsetin on the beach de Bob Wilson, qu'il découvre un peu par hasard au festival d'Avignon, lui apporte une formidable ouverture sur la façon d'être sur scène. C'est aussi à cette époque qu'il rencontre Mathilde Alltraz et Jean-Claude Gallota avec qui il fonde en 1979 le groupe Emile Dubois, actuel Centre chorégraphique national de Grenoble. Danseur-interprète de cette compagnie pendant 14 ans, il est l'une des figures symboles de cette danse énergique humaine et insolente. En 1993, il décide de tenter l'aventure en solitaire, pour se confronter à sa propre écriture et creuser son imaginaire avec la compagnie de Danse image théâtre. Après la mise en scène et la réalisation d'un court-métrage, Robert Seyfried créé un solo, puis un duo et le quatuor Légèrement déplacé remporte un large succès. C'est pourquoi il le réitère aujourd'hui avec des danseurs algériens. Après le quatuor, on le retrouve à Berlin aux côtés de Susane Linke pour la création de Marshiche Landschaft mais également au cinéma dans les films de Claude Mourieras, Raoul Ruiz et Anne-Marie Miéville. Robert Seyfried a collaboré à plusieurs oeuvres artistiques : Roméo et Juliette, Les Acharnés et Love no love.