Sidi Touati, admirant Béjaïa, du haut d'une colline, la trouve très belle, ce qui réjouit le prince al-Nasir. Mais il se retourne vers le souverain et lui dit : «Qu'est-ce que la beauté d'une ville devant ce soleil qui éclaire la terre et ce ciel qui la soutient ?» — Reconnais quand même, saint homme, que c'est un spectacle merveilleux que cette ville ? Jamais, jamais on n'en a vu d'aussi belle ! J'ai dépensé une fortune pour la construire. Des milliers d'ouvriers y ont travaillé jour et nuit. Cette ville demeurera pendant des siècles et perpétuera mon nom. Sidi Touati s'emporte : «Malheureux, c'est l'orgueil qui te fait parler de la sorte ! Tu ne sais donc pas que les œuvres humaines sont périssables ? Combien de villes ont été dressées, dans le passé, plus grandes et plus magnifiques les unes que les autres ? Toutes ont été détruites, toutes sont tombées en poussière !» Mais al-Naçir ne veut rien entendre : «Ma ville est belle et solide, elle résistera au temps, dans deux ou dans trois siècles, on l'admirera encore et on louera celui qui l'a construite.» «Je te l'ai dit, c'est l'orgueil qui te fait parler ! Et l'orgueil, tu dois le savoir, a perdu plus d'un souverain… Sache qu'il ne restera rien de ta ville et que le jour viendra où elle sera effacée !» M. A. Haddadou