Attente n Une fille prend le classeur et le pose sur le pupitre, mais avant de s'asseoir à ses côtés, elle le regarde et sourit. Karim se presse : il doit faire vite pour trouver une place dans l'amphithéâtre. Comme il habite assez loin de la faculté, il doit prendre le bus, et les bus, comme d'habitude, se font rares. Et quand ils arrivent, ils repartent aussitôt parce qu'ils sont complets… Il est quand même arrivé à temps, et même bien avant que certains de ses camarades, puisque l'amphi n'est plein qu'au tiers. Il s'installe au fond de la salle. Et de là, il regarde les étudiants qui entrent. Ils sont tous emmitouflés dans leurs manteaux et leurs vestes. Certains garçons éteignent leur cigarette, des filles crachent leur chewin-gum. L'enseignante est plutôt sévère : elle n'aime pas qu'on mange, qu'on fume ou qu'on mâche dans son cours ! D'ailleurs, elle n'hésite pas à renvoyer les étudiants qui dérogent à la règle. Mais ce n'est pas ce que font les étudiants qui intéresse Karim. Lui, il guette le visage, celui d'une camarade qu'il n'a pas vu depuis maintenant trois séances. «Silence !» L'enseignante vient de faire son entrée. Elle enlève son lourd manteau et le dépose sur le dossier de la chaise. Mais le cours ne commence pas encore, puisque les étudiants continuent à arriver. De toute façon, ce n'est pas encore l'heure. C'est vrai, il est huit heures, mais il y a toujours ce que l'on appelle, le «quart d'heure pédagogique», c'est-à-dire le temps supplémentaire pour permettre à chacun d'arriver. «Vous faites trop de bruit», dit encore le professeur. Karim regarde les étudiants retardataires. — — Va-t-elle venir, aujourd'hui ? Il a mis son classeur à côté de lui, comme s'il réservait la place à quelqu'un. — Ah, c'est pris… La fille ou le garçon va chercher une place plus loin. Une fille prend le classeur et le pose sur le pupitre, mais avant de s'asseoir à ses côtés, elle le regarde et sourit. — Je peux, n'est-ce pas ? Il semble hésiter. — Euh… La jeune fille sourit. — Tu gardes la place à Nesrine ? Il hésite cette fois-ci à répondre. Nesrine – dont il guette l'arrivée – n'est pas à proprement parler sa copine : c'est juste une camarade qui, depuis la rentrée, a pris l'habitude de s'asseoir à côté de lui… — Que ce soit elle ou une autre... La fille hoche la tête. — Nesrine ne viendra pas. Alors, je peux m'asseoir ? — Ah oui ! lâche-t-il Il s'écarte, elle s'assoit. — Ici, dit la fille, on se fait moins remarquer. — Oui, dit-il de mauvaise grâce. (à suivre...)