Résumé de la 36e partie n Accusé d'avoir falsifié des ordonnances, Shipman avoue qu'il utilisait la morphine pour son propre usage. On l'obligera à suivre une cure et à payer une amende. Il ne pouvait, bien sûr, retourner à l'hôpital où il travaillait. Il écrit à des hôpitaux, fait amende honorable et déclare qu'il a pris leçon du passé. Désormais, il sera un médecin modèle, dévoué à ses malades et à la science. D'ailleurs, de nombreux malades vont témoigner en sa faveur. C'est un médecin sincère, attaché aux valeurs et qui n'hésite pas à sacrifier son temps à ses patients. Ces témoignages favorables vont le faire recruter au centre médical de Donneybrook, dans le Manchester. Comme auparavant, il est estimé par ses patients et, en dépit de ses airs de supériorité — un legs de sa défunte mère —, même ses collègues apprécient son travail. Il lui arrive, après son service, de rester pour réconforter un malade. Il lui prend la main et lui demande doucement s'il souffre. Comme le malade souffre, il prépare une piqûre de morphine, lui retrousse la manche et lui injecte le produit en le regardant fixement. Le patient le regarde aussi et, au fur et à mesure que le liquide pénètre dans ses veines, il se relâche. Il lui semble retrouver sa mère quand le docteur de famille venait lui faire ses piqûres de morphine. C'était le même visage, ravagé par la douleur, puis, le produit faisant son effet, son visage se détendait. — Vous ne souffrez plus ? — Non ! — Dormez, dit-il, je vais rester un moment avec vous… Il n'est pas rare que le patient qu'il traite ainsi ne se réveille plus. Mais qui va soupçonner le docteur Shipman de donner la mort à ses patients, ou plutôt à ses patientes, celles-ci étant toutes des femmes ? La liste des décès déclarés par le docteur Harold Shipman ne cesse de s'allonger. Certes, on meurt souvent dans les hôpitaux, mais le service du docteur Shipman enregistre des records. Il est vrai que ses malades sont parmi les plus atteints — beaucoup souffrent de cancer — mais le nombre des décès est effrayant. A chaque décès, le médecin délivre une note, ainsi que l'exige la loi, le jour, l'heure et la cause. Bien qu'habitué, le médecin prend des airs affectés à chaque décès. Il est également là pour réconforter les familles. — Je comprends votre douleur… Moi-même je suis passé par là… Ma mère est morte d'un cancer du poumon… Souvent, il conseille aux familles de procéder à la crémation des défuntes. — C'était leur volonté… Et il va jusqu'à les accompagner au crématorium, constatant ainsi, de visu, que la morte est bien partie «en fumée !» En 1993, après plus de vingt ans de service dans le secteur public, Shipman fonde sa propre clinique à Market Street, dans le Manchester. C'est une modeste clinique, mais le médecin compte bien conquérir une fidèle clientèle. D'ailleurs, pour soigner les patientes âgées (toujours cette prédilection pour les femmes !), il n'hésite pas à se déplacer à domicile. Il se rappelle bien le médecin qui a assisté sa mère dans ses derniers instants, et il veut, à son tour, se montrer serviable. (à suivre...)