Il était une fois, dans le pays le plus petit au monde, au cœur du plus petit village, dans la plus petite maison au plus petit jardin, dans le royaume des Orchidées, un roi nommé Lucrèce. Celui-ci régnait avec son épouse Lucia. Tous deux étaient les heureux souverains du micropeuple des Lucioles. Le royaume s'éveillait une fois la nuit tombée, au fond du jardin de Mme Béatrice Roseraie. C'est lorsque la lune caresse la terre de ses premiers rayons d'argent, que la vie commence pour les Lucioles. Mais, cette nuit-là, plus que toutes les autres, était particulière, puisque lors du bal annuel à l'occasion de la Fête nationale, les souverains entendaient faire l'annonce officielle des fiançailles de leur fille bien-aimée, la princesse Lucie, héritière du trône royal, avec le fils du Duc des Orchidées, Lucas. Malheureusement, ce n'était pas du goût de la princesse qui, il faut le dire, a toujours eu cette fâcheuse tendance à faire cavalier seul. «Je veux avoir mon propre royaume !», hurlait-elle dans tout le palais, tandis que son père la raisonnait : «Ma fille, tu as ici tout ce que la vie peut offrir. Au risque de me répéter, nos ancêtres se sont sacrifiés pour nous léguer cette monarchie. Notre territoire a, hélas, trop souvent connu des invasions. C'est cela que tu veux ? Envoyer de pauvres créatures au combat en attendant la reconnaissance de l'indépendance ? Car, c'est là un passage obligé, tu sais !» Lucie tournait alors les talons, furieuse de reconnaître que son père avait bien raison. Mais, lors du bal, au moment d'entamer une valse pour inaugurer la piste de danse, elle ne put retenir ses larmes, et quitta la salle en sanglots, laissant là Lucas ainsi que les convives surpris. A tire-d'aile, elle retourna au palais, directement dans ses appartements. Les prétendantes ne manquaient pas, peu après la scène, un essaim de Lucioles entourèrent le fils du Duc. Des demoiselles plus scintillantes les unes que les autres, parées de leurs plus beaux atours. Lucie boucla énergiquement sa valise. Elle s'apprêtait à sortir, lorsque dans un geste de dépit, elle se souvint que là où elle irait, elle n'en aurait nul besoin. Elle s'envola jusqu'aux endroits les plus reculés du royaume des Orchidées. Au cœur de la forêt, où elle trouverait, la fée Lucricia. S'il existait une personne pouvant l'aider, à défaut de la comprendre, c'était bien sa marraine. C'est, du moins, ce qu'a laissé supposer le fils cadet du Duc. Luc n'a jamais cherché à cacher sa jalousie envers son frère qui bénéficie de tous les privilèges en tant qu'aîné, et deviendra, comme si cela ne suffisait pas, le roi du royaume des Orchidées. Tous ces souvenirs avaient traversé son esprit en une fraction de seconde. Le plan de Lucie dépasse l'imagination de tous les sujets du royaume. En empruntant une apparence humaine, elle se ferait engager comme apprentie jardinière chez Mme Roseraie où elle commencerait par planter ses premières fleurs. Juste à côté du royaume de son père dont elle venait de se sauver. «Je deviendrai alors la reine des Lucioles de mon propre royaume !», pensa-t-elle. Toc, toc, toc ! La porte s'ouvrit sur la jeune fille. Madame Roseraie l'accueillit chaleureusement. — «Soyez la bienvenue Mademoiselle ! Installez-vous. Sans plus attendre, nous allons bêcher tout le jardin. Je vais même me débarrasser de ces Orchidées qui sont là depuis trop longtemps. On va replanter autre chose, tiens. Vous venez ?» Alors qu'elle parlait, Lucie promenait son regard à travers le jardin, s'attardant longuement sur le royaume encore endormi. — «A propos, quel est votre nom, Mademoiselle ?» Lucie déploya un large sourire : «Je m'appelle Lucette.» — «Très bien, Lucette, allons-y, prenez cette pelle !» — «Bien sûr, je serais ravie de vous aider !»