Le discours prononcé, la veille, par le désormais ex-Président, Ben Ali, devait amener au calme. Mais c'est l'effet contraire qui s'est finalement produit. De violentes manifestations ont eu lieu, hier matin, dans le centre de Tunis et différentes régions du pays. «Non à Ben Ali», «Soulèvement continu, non à Ben Ali», ont scandé les manifestants qui n'ont pas été inquiétés par les policiers. La foule, qui gonflait rapidement pour atteindre plusieurs centaines de personnes, a été bloquée par un barrage de police au milieu de l'avenue Bourguiba pour l'empêcher de marcher vers le ministère de l'Intérieur. «Le ministère de l'Intérieur est un ministère de la terreur» et «Hommage au sang des martyrs» ou encore «Non, aux Trabelsi (la belle-famille du Président) qui a pillé le pays», ont également scandé les manifestants. Les manifestants sont arrivés jusqu'au bâtiment du ministère de l'Intérieur et des milliers de citoyens se dirigeaient vers cet endroit. En l'espace de quelques minutes l'avenue Bourguiba a été prise d'assaut et les forces de l'ordre tentaient d'empêcher les manifestants à accéder au bâtiment gouvernemental. Dans l'après-midi, la police les a dispersés à coups de grenades lacrymogènes. Des blindés de l'armée se sont déployés devant le ministère de l'Intérieur alors que des unités anti-émeutes pourchassaient des jeunes manifestants dans les escaliers d'immeubles résidentiels et dans un centre commercial, où ils se sont repliés. A Sidi Bouzid (sud-ouest) d'où est parti le mouvement de contestation, quelque 1 500 personnes ont défilé aux cris de «Ben Ali dehors». C'est certainement ce raz-de-marée populaire qui a amené Ben Ali à annoncer d'ultimes décisions – tel le limogeage du gouvernement – et qui finalement a eu raison de lui en l'obligeant à fuir le pays et à abandonner le pouvoir auquel il tenait tant depuis 1987.